Le tribunal correctionnel examinera l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour homicide involontaire suite au décès en 2018 d’une femme de 55 ans aux urgences, qui a été négligée pendant plusieurs heures. La décision de renvoyer cette affaire devant le tribunal correctionnel, qui a été rendue mercredi dernier et partagée avec l’Agence France-Presse (AFP), émane du juge d’instruction, déclarant que l’AP-HP est fautive en lien direct avec la mort de Micheline Myrtil.
Mme. Myrtil, originaire de la Martinique et née en 1963, souffrait de maux de tête et de douleurs aux mollets. Elle avait été amenée aux urgences de Lariboisière par les pompiers le 17 décembre 2018 au crépuscule, où elle été accueillie et dirigée vers une salle d’attente. Vers minuit, sous une mauvaise identité (« Myatil » au lieu de « Myrtil »), elle n’a pas répondu à l’appel et a été supposée avoir quitté l’hôpital. En réalité, elle était sur un brancard, sans surveillance de 1 heure à 6 heures du matin, avant d’être retrouvée morte, elle n’avait vu aucun médecin. Un rapport d’autopsie initial a conclu que la cause du décès était une défaillance respiratoire aiguë due à un œdème pulmonaire.
Selon le juge d’instruction, la vraie négligence réside dans le fait que Mme Myrtil a été médicalement prise en charge au service des urgences aux environs de 19 heures et que son état de santé a totalement été ignoré pendant plus de cinq heures.
« Son discours continue en disant qu’au lieu de chercher à localiser la femme, qui était déjà positionnée avec un bracelet d’identification sur son brancard en circuit court, ils l’ont appelée sous un faux nom à deux reprises sans succès, après quoi ils l’ont laissée toute la nuit sans que personne y prête attention. Selon lui, cette négligence grossière a éliminé toute chance de survie de Mme Myrtil en raison de la nature mortelle d’une infection invasive à méningocoque qui n’a pas été traitée médicalement.
En détail, le parquet de Paris avait originalement demandé un procès pour homicide involontaire fin 2022, mais ultimement le 3 juillet, il a demandé un non-lieu, car le lien causal entre les carences possibles dans les soins hospitaliers et le décès n’était pas démontré.
Pendant l’instruction, la défense de l’AP-HP a plaidé que le protocole suivi à l’époque était conforme aux standards professionnels et que la situation ce jour-là était exceptionnelle, car les urgences étaient particulièrement encombrées et un docteur était absent de façon inopinée à cause d’une maladie. Ni l’AP-HP, ni un de ses avocats, Me Mario Stasi, n’ont voulu commenter.
Une expertise réalisée en décembre 2023 a conclu que malgré le fait que placer la patiente dans une zone de circuit court n’était pas conseillé vu son état initial, cela a été validé par le médecin référent en raison d’un manque d’espace. »
Suite à ce tragique incident, Lariboisière a mis en place des contrôles plus rigoureux pour les patients dans les services d’urgence. L’Agence Régionale de Santé (ARS) a également formulé diverses suggestions, y compris l’augmentation des ressources humaines. Au cours de l’enquête, les professionnels de santé de l’hôpital ont conjointement souligné le manque de personnel et de moyens, une problématique signalée depuis longtemps.
Lors de son témoignage, le médecin qui aurait dû prendre en charge Mme Myrtil la nuit de son décès a décrit un système d’urgences écrasé par l’arrivée massive de patients, soulignant le manque de ressources et des infrastructures rendant le traitement des patients plus complexe. « Je n’ai découvert l’existence de cette patiente qu’après son décès », admet-il tragiquement.
Les cinq syndicats principaux de l’AP-HP (CGT, Sud, FO, CFDT, CFTC) ont exprimé leur regret « qu’il a fallu cette tragédie pour que la direction prenne enfin des mesures face aux crises dénoncées et subies ». L’affaire de Micheline Myrtil a largement contribué au débat permanent sur la crise dans le secteur hospitalier, bien avant l’impact de la pandémie de Covid-19.