En 2023, j’ai démissionné de mon poste d’océanographe à la faculté d’océanographie de l’Université du Rhode Island. J’ai pris cette décision lorsque j’ai réalisé que la recherche académique non seulement n’était pas efficace pour traiter du changement climatique, mais pire encore, qu’elle pouvait en retarder les efforts.
L’océanographie avait de nombreux points d’attraction. Nous passions des semaines en mer, à bord de navires de recherche impressionnants, utilisant des technologies avancées et des robots pour explorer les parties les plus reculées du globe. Tout ce travail avait pour but d’apporter une contribution significative à la science océanographique, qui est intrinsèquement liée à notre compréhension du climat. En effet, l’importance des océans ne doit pas être sous-estimée : ils produisent une grande partie de l’oxygène que nous respirons, absorbent la plupart du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et jouent un rôle crucial dans la distribution de la chaleur autour de la planète. En bref, ce sont nos océans qui déterminent en grande partie le climat terrestre.
Semblable à la majorité de mes confrères océanographes, j’étais désireuse d’enseigner, motivée par l’envie d’aider à atténuer la crise climatique. Toutefois, même les chercheurs avec les intentions les plus louables se trouvent souvent contraints par la pression croissante au sein de leurs institutions d’obtenir des financements privés. Ce tiraillement entre l’ambition de faire face à l’échauffement climatique et la nécessité d’amasser des fonds pour financer une recherche a conduit les chercheurs à privilégier la science du changement climatique au détriment de la recherche de solutions.
Le « solutionnisme technologique » signifie qu’il est nécessaire d’obtenir des fonds en proposant des idées intéressantes aux financeurs, qu’ils soient publics, privés ou philanthropiques. Il faut que ces idées soient présentées d’une manière qui les rende attrayantes pour la société, et pour cela, intégrer la science dans le débat sur le changement climatique est souvent la meilleure manière d’y parvenir.
Cependant, des problèmes surgissent rapidement. Premièrement, le progrès de la recherche universitaire est entravé par sa dépendance à l’égard des financements publics. Ces derniers sont souvent sous le contrôle d’agences gouvernementales, parfois peuplées de climatosceptiques. Deuxièmement, des projets attractifs, technologiquement avancés et qui proposent des solutions immédiates sont souvent privilégiés au détriment de ceux qui ont des impacts locaux ou qui nécessitent une vision à long terme.
On a utilisé le terme « technosolutionnisme » pour qualifier cette sorte de recherche, qui mise sur des innovations futures susceptibles de diminuer les émissions, plutôt qu’en s’attaquant à l’urgence climatique. Le technosolutionnisme est souvent favorisé par les start-ups et les investisseurs de capital risque. Ce courant risqué reconnaît bien le réchauffement climatique, mais retarde les décisions et en conséquence, entrave les actions en faveur du climat.
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