Dans son apothèque située en plein cœur de Varsovie, Beata est intransigeante : « Je reçois énormément de requêtes pour des contraceptifs d’urgence disponibles sur prescription pharmaceutique », déclare cette apothicaire, souhaitant rester anonyme. La méthode contraceptive en question, autrefois soumise à prescription médicale par le parti conservateur national PiS (Droit et Justice), qui était au pouvoir en Pologne de 2015 à 2023, est dorénavant accessible depuis le 1er mai via une prescription pharmaceutique dans près d’un millier d’établissements à travers le pays. En théorie, une adolescente de 15 ans révolus peut l’acquérir sans autres formalités. Cependant, en pratique, cela s’avère plus compliqué. Beata, comme d’autres pharmaciens, demande aux adolescentes de se présenter avec un de leurs parents.
L’actuel gouvernement central de Donald Tusk, qui est au pouvoir depuis décembre 2023, a dû utiliser un décret ministériel pour éviter le veto du président Andrzej Duda, pro-PiS, qui s’opposait à une loi permettant l’accessibilité de la pilule du lendemain sans prescription pour les plus de 15 ans. Beata met néanmoins en lumière les limites du projet pilote du ministère de la santé : « Les pharmacies participantes doivent avoir une chambre pour réaliser des entretiens de quelques minutes avec les patientes. Et durant les heures de pointe, cela devient ardu lorsque je suis seule. »
La coalition gouvernementale a mis fin à une période de huit ans de diminution des droits des femmes et LGBT+, mais c’est un groupe hétérogène. Les partis qu’elle rassemble, des progressistes aux conservateurs agraires, sont profondément divisés sur des questions sociales. Les grandes promesses faites pendant la campagne électorale de l’automne 2023, comme ouvrir l’union civile aux homosexuels ou libéraliser l’avortement, n’ont pas encore été adoptées. En juillet, une tentative pour dépénaliser l’aide à l’avortement a été sabotée par des députés alliés à Donald Tusk, certains étant ouvertement anti-IVG.
L’entente difficile
Lorsque les deux chambres parlementaires s’accordent, le veto présidentiel reste un obstacle, faute d’une majorité assez grande pour l’annuler. C’est un phénomène courant en cette période d’entente difficile. Il y a cependant des exceptions notables : la prise en charge des fécondations in vitro et une nouvelle définition de viol, qui entrera en application en février 2025. Le texte modifie un article du code pénal datant d’un siècle pour introduire la notion de consentement. « Il était grand temps et, bien que c’est un pas vers le bien, cela ne suffit pas. Il faudrait mieux sensibiliser les procureurs et les juges », note Antonina Lewandowska, coordinatrice nationale de plaidoyer pour Federa, la Fondation polonaise pour les femmes et la planification familiale.
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