Dans la localité d’Izioum, située à l’est-nord de l’Ukraine, une barrière de pins s’étend le long du point de contrôle qui offre un passage vers cette ville centrale, qui fut sous l’emprise russe d’avril à septembre 2022. Bien que cela ne semble pas évident, chaque citoyen est conscient de la malédiction qui plane sur ces arbres. Ils savent que le sentier sablonneux menant au cœur des bois vers l’un des cimetières de la ville, après que l’armée russe ait quitté, ils devraient traverser un décor à couper le souffle. Il est impossible de ne pas remarquer les 449 creux de terre servant de sépultures, parfaitement alignés entre les pins, et marqués avec une croix simple, témoignant des souffrances endurées par Izioum.
C’est à cet endroit que les dépouilles de ceux qui ont eu l’infortune de croiser le chemin des soldats russes ou de manquer d’attention médicale étaient jetées, souvent dans des sacs, ou parfois sans rien. Les fossoyeurs n’avaient marqué que des numéros sur les croix. Lorsque la ville a été libérée, ces corps ont été déterrés et enterrés de façon appropriée, à un autre endroit, par leurs proches. Parmi eux, vingt demeurent non identifiés. « Nous ne perturberons pas ces tombes vides, » promet Marina Kolovorotna, responsable de la commission culturelle du conseil municipal, « même pour agrandir l’ancien cimetière, qui manque d’espace. Il n’y a pas d’avenir sans passé, ces victimes sont nos plaies ouvertes. »
Izioum, une ville qui a subi les cicatrices d’une occupation ayant entraîné la mort d’approchant un millier d’individus parmi sa population de 13 000 habitants, lutte pour se remettre du traumatisme. Jadis connue comme « la clé du Donbass », centre ferroviaire et située près de la rivière Siversky Donets, Izioum a perdu de son éclat d’antan à cause de cette domination. Deux ans plus tard, elle peine toujours a retrouver son histoire perdue.
Le vice-maire, Volodymyr Matsokin, explique que près de 80% des infrastructures et 30% des habitations sont toujours en ruines. Le processus de reconstruction est d’autant plus complexe puisque la ville se trouve à proximité du front. Certains prônent la démolition pour effacer le passé douloureux, tandis que d’autres insistent sur la conservation pour ne pas oublier ce qui s’est passé. Ainsi, Izioum se trouve déchirée entre le devoir de la mémoire et l’impératif de la vie. Chaque année, le 10 septembre, la ville commémore ses morts, un rituel qui parcourt les lieux emblématiques des atrocités russes.
Un des points d’arrêt de cette célébration est un bloc résidentiel sur la route du 1er Mai, qui a été perforé lors d’un bombardement aérien le 9 mars 2022. Cinquante personnes qui trouvaient refuge dans le sous-sol de l’immeuble, ont trouvé la mort ce jour-là quand le bâtiment s’est effondré. « Je passe tous les jours devant ce bâtiment en voiture, » avoue le vice-maire, « on peut encore apercevoir des vêtements dans les armoires et un miroir reflétant les vestiges du quotidien d’autrefois. À chaque fois, je suis submergé par une vive émotion et un profond sentiment de responsabilité. »
L’article continue au-delà de ce point, réservé uniquement aux abonnés.
Laisser un commentaire