Son aîné a quitté leur demeure familiale et n’a plus jamais refait surface. Adrien a été assassiné quand Florent Baheux n’avait que 9 ans. Baheux se rappelle de cette époque en disant: « J’ai vécu dans le déni pendant seize à dix-sept ans. » Au sein de leur foyer, le décès d’Adrien n’était jamais évoqué pour des raisons inconnues. Sa mère, imbibée de travail administratif, menait sa propre investigation par rapport à la police, tandis que son père tentait, en vain, de le distraire.
À l’école, lorsqu’on lui posait des questions sur sa fratrie, il se faisait passer pour fils unique. Plus tard, il quitte son refuge familial, achève son éducation, trouve un emploi, déménage dans son propre appartement et tombe amoureux. Cependant, à l’âge de 25 ans, malgré sa vie plutôt stable, là où la plupart des jeunes travailleurs auraient commencé à profiter de leur existence, le deuil est revenu à la surface, ravivant la nuit où il a perdu son frère.
Aujourd’hui, à l’âge de 31 ans, il se sent toujours responsable de la mort d’Adrien. « C’était un mardi soir. Mercredi, je n’avais pas cours, j’ai eu le droit de rester un peu plus tard pour regarder un film à la télé. C’est donc moi qui ait ouvert la porte et crié, de l’étage inférieur : « Adrien, quelqu’un te demande », se souvient-il avec émotion. Je porte toujours le poids d’avoir ouvert cette porte qui a conduit à sa fin. » Sa famille ne se souciait pas de son absence car il avait l’habitude de sortir et de rentrer de façon irrégulière. « Il passait beaucoup de temps avec ceux que nous croyions être ses amis », révèle-t-il avec resentment.
Florent Baheux s’est abstenu de participer à l’enquête et au procès. « L’assassin a été repéré, jugé et enfermé », déclare-t-il brièvement, en ajoutant que le verdict ne l’a pas aidé à surmonter sa peine. Par la suite, ses parents lui ont révélé que son frère avait été tué à cause d’un scooter à réparer et à rendre, quelques grammes de stupéfiants et une petite somme d’argent non payée. Florent Baheux a tenté de s’immerger dans les rapports de police et de chercher des informations sur le web, mais cela l’a effrayé et il s’est arrêté.
Perdre un frère ou une sœur pendant l’enfance produit une « explosion » émotionnelle, car les enfants ou adolescents n’arrivent pas à exprimer leur douleur. Les années passent, puis un événement vient raviver la douleur : un anniversaire, une naissance ou une période sans travail. Typiquement, le processus de deuil comprend sept phases (le choc, le déni, la colère, la tristesse, la résignation, l’acceptation et la reconstruction). Ariel Simony, psychologue spécialisé dans le deuil, l’anxiété et les traumatismes, remarque que « les phases de choc et de déni peuvent être inversées chez les enfants ».
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