L’approbation unanime par la Douma, le parlement russe, le jeudi 24 octobre, du « partenariat stratégique » entre Moscou et Pyongyang, qui stipule une aide réciproque « en cas d’agression » de l’une ou l’autre partie, « légalise » la présence en Russie de milliers de militaires nord-coréens. Cette présence, confirmée par les États-Unis et l’OTAN, est toujours déniée avec véhémence par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, nom officiel de la Corée du Nord) et de manière plus tiède par la Russie. Avec l’incertitude sur l’issue de l’élection présidentielle américaine en toile de fond, la présence de troupes d’élite nord-coréennes sur le front ukrainien internationalise explicitement le conflit.
Selon les informations occidentales, 3 000 militaires nord-coréens seraient en formation sur différents sites en Russie. Les services de renseignement sud-coréens estiment que plus de 10 000 devraient être déployés dans les semaines à venir sur le front ukrainien, suscitant des craintes d’une escalade. Avec la présence de ses forces à 7 000 kilomètres de leurs bases, la RPDC s’impose comme un acteur à part entière sur la scène internationale. Cette évolution de son rôle est susceptible d’inciter l’Europe, en particulier, à changer sa perception du pays, traditionnellement considéré comme une menace géographiquement éloignée et jamais prioritaire.
L’envoi de forces nord-coréennes sur le front de l’Ukraine pourrait inciter la Corée du Sud à intensifier ses exportations d’armements, y compris offensives, vers l’Ukraine. Séoul a jusqu’ici officiellement fourni à Kiev du matériel militaire non létal, comme des équipements de déminage, avec des livraisons d’armes offensives passant par des pays intermédiaires. Séoul envisage d’envoyer des représentants du renseignement militaire en Ukraine pour étudier les stratégies de combat des forces nord-coréennes et participer aux interrogatoires des prisonniers.
« Baptême de guerre »
Pour la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC), l’envoi de troupes pour soutenir la Russie sur le front ukrainien est l’aspect le plus concret de sa repositionnement stratégique. L’armée nord-coréenne (1,2 million de soldats) n’a pas participé à un conflit majeur depuis la guerre de Corée. A l’opposé, la Corée du Sud a déployé des troupes (320 000 hommes) en soutien aux forces américaines au Sud-Vietnam, dont la tristement célèbre Tiger Division, chargée de « nettoyer le terrain » à la suite de bombardements américains au napalm. La RPDC, quant à elle, n’avait envoyé que des pilotes au Nord-Vietnam, pas de forces au sol. Elle a répété cette stratégie en Egypte pendant la guerre du Kippour (1973) mais dépêche néanmoins des techniciens militaires dans les pays où elle vend des armes pour en démontrer l’utilisation. Pour les forces déployées en Ukraine, ce sera un « baptême de guerre » et une occasion d’expérimenter directement une guerre moderne.
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