Il y a une décennie, quasiment jour pour jour, l’Etat français autorisait l’American General Electric à acquérir la division énergie d’Alstom, une prestigieuse entreprise industrielle française. Récemment, face à la vente de la division santé pour le grand public de Sanofi à l’entreprise américaine CD&R, une question s’impose : Qu’avons-nous retenu de ces expériences ?
Il est logique que les investisseurs étrangers cherchent à avantager leurs actionnaires. C’est pourquoi les promesses d’emploi ne sont pas respectées, car il est plus judicieux pour une entreprise globale de délocaliser sa production vers des pays où les coûts sont plus bas. Par exemple, General Electrics avait promis la création de 1 000 postes, mais cinq ans plus tard, les syndicats ont constaté la suppression de 3 000 emplois.
Nous avons également constaté que les sous-traitants sont plus pressurisés qu’avant la vente. Ces rachats permettent également diverses stratégies d’optimisation fiscale, incluant l’exploitation des « prix de transfert » et « l’intégration fiscale », au détriment de la France. Il est difficile de respecter les commitments pour défendre les intérêts nationaux. Même EDF a dû se conformer aux nouvelles conditions de ses contrats de maintenance, malgré des garanties. Neuf ans après, la France a été contrainte de racheter les turbines Arabelle – mais à un prix élevé et sous la surveillance partielle de l’administration américaine pour les exportations.
Au cours de la dernière décennie, le monde a évolué, mettant fin à l’ère de la naïveté. Grâce à la loi Pacte, notre structure juridique a été modifiée en se basant sur les problèmes révélés par la commission d’enquête instituée après l’affaire Alstom. La France est à présent en mesure d’imposer, par un processus légal d’autorisation, toute action jugée indispensable pour la protection des intérêts nationaux à un investisseur. Cela peut aller jusqu’à la séparation totale des rôles de l’actionnaire et du dirigeant de l’entreprise, une pratique courante aux États-Unis depuis des années.
Une déclaration hâtive
C’est particulièrement l’Europe qui a connu une transformation radicale. Alors que les dossiers Gemplus (un fabricant français de puces électroniques convoité par un fonds américain) de l’ex-Premier ministre, Dominique de Villepin, et Alstom de l’ancien ministre de l’économie, Arnaud Montebourg, ont dû se battre avec Bruxelles pour obtenir un droit de supervision, la Commission européenne a instauré depuis 2019 un règlement qui impose un « filtrage » des investissements étrangers et encourage les États membres à en faire autant, en identifiant vingt et un secteurs stratégiques. Elle prévoit déjà de le renforcer.
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