Dans les villes, sur les routes et dans les hameaux, elles sont omniprésentes. Les pancartes géantes, vibrantes et extravagantes du parti Rêve géorgien, actuellement au gouvernement en Géorgie, supplantent celles des partis de l’opposition, pratiquement absentes, tandis qu’un appel à voter est lancé pour les élections législatives le samedi 26 octobre. Au pouvoir depuis une décennie, le Rêve géorgien, mené par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, décrit cette élection comme un choix de vie entre la paix et la guerre.
Une de leurs affiches fait le parallèle entre des images en noir et blanc d’une Ukraine en proie à la guerre et les images colorées d’une Géorgie prospère et pacifique. Un boulevard délabré en Ukraine est mis en comparaison avec une avenue récemment rénovée à Tbilissi, ou encore un stade ukrainien bombardé en contraste avec l’un des nombreux stades érigés dans le pays sous le patronage de Rêve géorgien. « Pas de guerre » est la légende inscrite sous les photos ukrainiennes et « Choisissez la paix » sous celles de la Géorgie. Le message est clair: l’opposition conduira inévitablement le pays à une guerre avec la Russie, tandis que le parti en place se vante d’être le plus compétent pour maintenir la paix et la prospérité.
Ces affiches ont provoqué l’indignation de nombreux citoyens géorgiens, surtout parmi les intellectuels, qui considèrent qu’elles mettent sur le dos des Ukrainiens la responsabilité de l’invasion russe. « Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi déshonorant, si insultant à notre culture, nos coutumes, notre patrimoine et nos convictions », a publié sur son compte Facebook la présidente de la République, Salomé Zourabichvili, fervente opposante à Rêve georgien.
Dans les hameaux entourant Gori, situé à 70km au nord de Tbilissi, la mentalité n’est pas exactement la même. Bondo, le pâtissier du hameaux Karaleti, déclare être en faveur de la paix lorsqu’il enfourne ses pains dans le toné, son four traditionnel en pierre, placé au centre de sa boutique. Quand on lui demande s’il soutient le Rêve géorgien, il évite de donner une réponse claire. « Je ne m’intéresse pas à la politique, je prépare du pain » affirme ce quadragénaire débordant d’énergie et svelte.
Sa vendeuse Marina, elle aussi va voter « pour la paix », sans donner plus de précision. « Nous ne nous soucions pas de la politique, nous ne décidons rien » dit-elle avec un large sourire. Les souvenirs bien graves de ce qui s’est passé il y a seize ans dans ce secteur, réputé comme « le potager de la Géorgie » quand les tanks russes ont débarqué, n’ont pas quitté le boulanger et sa vendeuse. « Les tanks russes étaient là, alignés dans la rue principale. Tout s’est passé si rapidement, nous avons dû fuir, seuls les plus âgés sont restés. Plusieurs habitations ont été saccagées puis brûlées par les soldats. Nous ne voulons pas revivre cela, » narre Marina, encore bouleversée par ces faits.
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