La géographe Béatrice Giblin, familière des dialogues populaires du Nord et du Pas-de-Calais, est souvent l’objet d’apitoiement pour sa résidence parisienne à cause des perceptions de l’insécurité démesurée dans la capitale – une représentation influencée par les médias. Paris a toujours été représenté comme une ville impressionnante et effrayante, frappée par la pauvreté et contrôlé par les élites et les richesses. Béatrice Giblin, qui est également la directrice du journal Hérodote, constate que cette peur est renforcée par l’idée que Paris est une ville déroutante où le danger est omniprésent et où on peut se perdre facilement. Les clichés normalisés sur les banlieues et les migrants, constamment propagés par certaines chaînes d’information, accentuent cette inquiétude.
D’après le discours actuel de l’extrême droite, elle fait ses racines dans les zones rurales, où elle crée une opposition entre la prétendue « vraie France » rurale, les bobos inactifs des villes et les soi-disant « Français de papier » des banlieues. Après les émeutes de 2023 provoquées par la mort de Nahel à Nanterre, Louis Aliot, le maire de Perpignan, membre du Rassemblement National (RN), s’interrogeait outré : « Qu’est-ce qu’ils veulent de plus, ces banlieues? » Marine Le Pen, à son tour, dénigrait sans tenir compte des recherches montrant le sous-financement des quartiers défavorisés, prétendant que plus d’argent public est déversé dans les quartiers difficiles qu’à la campagne. Sa rhétorique oppose « ceux qui détruisent » à « ceux qui ne se plaignent pas ».
« La banlieue n’est pas l’enfer », déclare Cécile Alduy, sémiologue et chercheuse associée à Sciences Po, dans la revue Métropolitiques. Alduy résume que le RN dessine trois espaces géographiques aussi bien réels que fantasques systématiquement : la France rurale et périurbaine des « oubliés », les grandes villes supposément favorisées par le pouvoir en place et les territoires de « non-France », soit les banlieues et périphéries urbaines. Cette description cherche à effacer les divisions sociales en imposant une analyse basée sur l’origine des résidents de différents quartiers populaires.
La problématique « territoriale » cache en réalité un enjeu social. Les termes « ruralité » et « territoires », qui ont pris la place de « régions », renforcent cette « idéalisation du local », considérée par Béatrice Giblin comme « hautement périlleuse », puisqu’elle empêche les citoyens de comprendre la complexité de la situation : la moitié de la population rurale provient en effet de la ville, toutes les zones rurales ne sont pas en déclin et la moitié des Français vivent dans les banlieues, le périurbain n’est donc pas l’horreur incarnée. Pour lire l’article en intégralité, une inscription est nécessaire, 51.45% de celui-ci restant à consulter. Seuls les abonnés ont accès à la suite.
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