L’écrivaine Caroline Fourest analyse dans son livre « Le Vertige MeToo » (Grasset, 336 pages, 22 euros) la véritable valeur de chaque #metoo et les conséquences potentielles d’un « nouveau monde » où « une accusation suffit à exister ». L’ouvrage a déclenché un débat houleux parmi les féministes.
Actuellement, l’abbé Pierre est confronté à des allégations sérieuses et le procès des viols de Mazan est en cours, où 51 hommes sont accusés d’avoir violé une femme inconsciente, droguée par son mari. Peut-on comprendre que la remise en question du mouvement #metoo dans votre livre soit troublante?
À mon avis, mon livre est publié à un moment opportun car il met en lumière les avantages du mouvement #metoo, en mettant l’accent sur une plus grande attention et médiatisation de cas aussi manifestes que le nombre d’accusations visant l’abbé Pierre ou le système d’abus sexuels organisé par Dominique Pelicot.
Cependant, pendant que ces affaires sont sous les feux de la rampe, des individus comme la pédiatre Caroline Rey-Salmon, féministe, sont faussement accusés (une accusation de violence sexuelle portée contre elle après sa nomination en tant que vice-présidente de l’Independent Commission on Child Sexual Abuse and Incest, a été rejetée). Il est déplorable que la défense d’une personne faussement accusée soit aujourd’hui synonyme de complicité avec les violeurs! Car il existe des accusations qui sont infondées – elles sont rares, mais existent.
Dans le procès de Mazan, on remarque une tendance à remettre facilement en question la parole des victimes. Est-ce le moment approprié pour remplacer le « Je te crois » par « Je t’écoute », comme vous le suggérez dans votre livre?
Lorsque je dis « Je préfère dire ‘je t’écoute’ plutôt que ‘je te crois' », je ne fais pas référence à la justice, mais à notre réflexe quotidien de nous transformer en juges #metoo, sans prendre en compte la gravité de cette nouvelle responsabilité. Il est primordial de rester vigilant, de prendre très au sérieux toute accusation d’agression sexuelle ou de viol, un combat que je mène depuis des années et que je continuerai de mener.
Cependant, il ne faut pas oublier le bénéfice du doute cartésien. On doit initialement dire « je t’écoute » avant d’être certain de pouvoir dire « je te crois ». J’ai été témoin d’un procès stalinien au sein du Collectif 50/50 qui a mené à l’écrasement d’une productrice féministe sur une fausse accusation d’agression basée sur une interprétation absurde et fanatique du « je te crois ». Cette productrice, qui a été accusée par une actrice de lui avoir touché la cuisse lors d’une fête, a d’ailleurs été acquittée par le tribunal de Paris en mai. C’est cette affaire qui m’a inspiré à écrire ce livre. Je me sens obligé de mettre en garde contre les dangers de l’injustice.
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