La sélection du « Monde des livres » de cette semaine met en lumière la constante présence des êtres chers disparus, d’écrivains du passé mais aussi des souvenirs de nos années d’adolescence. On y retrouve notamment Bernard Chambaz, consacrant ses poèmes actuels et ceux du passé à sa femme décédée en 2023. Clémentine Mélois y raconte les derniers instants de la vie de son père. De son côté, le romancier hongrois Laszlo Krasznahorkai suit les pas d’Herman Melville (1819-1891). Marc Bloch, historien, explore dans un texte inédit le personnage du roi Salomon. Enfin, Eduardo Halfon, écrivain guatémaltèque, revit un épisode traumatique de son adolescence dans son nouveau roman.
Bernard Chambaz utilise toujours la poésie, un genre qu’il chérit, pour honorer le lien spécial qu’il a toujours eu avec sa femme Anne, à qui il a dédié les douze livres de poésie qu’il a écrits depuis 1983. Dans ces vers et proses débordants d’amour, Chambaz celebre et rend hommage à sa femme qui a été présente lors des moments les plus lumineux de sa vie, ainsi que pendant les plus tragiques, comme le décès accidentel de leur fils Martin en 1992.
En écrivant « Pas de médaille, pas d’autres lauriers que de marcher main dans la main chaque jour pendant toutes ces années », au printemps 2024, pour la publication d’une anthologie de ses poèmes (Ma plus-que-reine, Points), Chambaz réaffirme le lien indéfectible entre lui et sa femme. Ce n’est qu’à la fin de l’anthologie, avec la lecture de « Coda », que les lecteurs pouvaient enfin comprendre l’urgence de la compilation de ces textes : Anne était décédée fin juillet 2023.
L’auteur aborde la disparition et le declin dans son dernier œuvre bouleversant, Sans savoir où la luge s’arrêtera. Il raconte le trajet émotionnel des deux dernières années de vie de sa femme, gravement atteinte par le cancer, et non en tant qu’une histoire de deuil mais comme un long poème. Selon Marina Tsvetaeva, la poésie est le mince fil d’air au-dessus de la terre, permettant d’échapper à la perte et de préserver la vigueur de la vie face à sa fragilité criante. Le livre est constitué de fragments oscillant entre un journal et un récit, principalement écrits au moment présent où Anne est tombée malade en septembre 2021.
Le récit « Alors c’est bien » de Clémentine Mélois décrit la plus éblouissante croix du cimetière. Ce qui la distingue est son émail bleu outremer éclatant. La croix apparait sur la tombe de Bernard Mélois (1939-2023), un sculpteur qui faisait d’objets émaillés récupérés (comme des seaux, cruches, poêles, bassins) le matériau principal d’une œuvre où des figures d’hommes, d’animaux, des allégories ridicules et inversées surgissent de pièces assemblées en un puzzle coloré et jovial.
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