En juillet 2017, dans la ville de Ouidah, un lieu emblématique de la traite des esclaves, Doris Leuthard, alors présidente de la Confédération suisse, s’est rendue au mémorial de la Porte du non-retour, face à l’océan Atlantique. Là, elle a évoqué la tragédie de l’histoire du Bénin en matière d’esclavage et de colonisation, exprimant son soulagement que la Suisse n’ait jamais participé à de telles horreurs.
Pourtant, presque une décennie plus tard, le Musée national suisse de Zurich a ouvert une exposition dédiée à ces mêmes tragédies d’origine helvétique, mettant fin à des années de déni et d’amnésie. Précise et sobre, largement documentée, l’exposition détaille onze « domaines d’action » et des études de cas particuliers.
Des entrepreneurs et des entreprises commerciales suisses ont bénéficié de ces tragédies depuis le XVIe siècle. Ces prédécesseurs des actuels traders de matières premières ont réalisé d’énormes profits dans les colonies européennes en Afrique, en Asie et aux Amériques, grâce au commerce de produits alimentaires (comme le sucre, le café, le cacao, le tabac) et de produits textiles (comme le coton, les tissus indiens imprimés). Des organisations telles que la Société missionnaire de Bâle et la famille Volkart de Winterthour, une ville industrieuse connue pour ses filatures, ont mis en place des antennes dans les zones occupées par les grandes puissances, contribuant ainsi à cette première phase de mondialisation. Pour leur part, les banques suisses ont fourni les fonds nécessaires au développement de ce réseau. Ils étaient, en somme, « des complices ».
Environ 250 sociétés et particuliers, avec l’inclusion de quelques collectivités, ont été engagés dans le commerce des esclaves transatlantique. Les calculs suggestionnent qu’ils ont contribué à l’expatriation d’approximativement 172 000 individus, d’un chiffre total de 12 millions qui ont été asservis en Afrique. En 1864, le Conseil fédéral de Berne déclarait encore que l’esclavage n’était « pas un délit ».
« La Suisse n’était pas concernée ? Les institutions académiques de Genève et Zurich ont abrité depuis longtemps des établissements d’anthropologie, parmi les plus fréquentés en Europe, où les théories raciales évoquant la supériorité innée de l’homme blanc étaient populaire, indique la directrice du Musée national suisse, Denise Tonella. Depuis le mouvement Black Lives Matter, beaucoup de travaux de recherche ont contribué à la déconstruction des procédés de l’implication suisse dans l’impérialisme occidental et dans cette histoire globale de la violence, dans une perspective d’un colonialisme sans colonies. La compréhension de notre histoire s’est développée, avec une approche critique. »
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