Après une promenade de dix minutes à travers la forêt, l’équipe de l’Office national des forêts (ONF) atteint une grande clairière baignée de soleil près de la réserve naturelle de La Trinité en Guyane, seulement accessible par voie aérienne. Des arbres dépourvus de feuillage sont visibles partout, leurs branches sèches et grises se détachent sur le fond du ciel azur. « Nous sommes habitués à voir des zones perturbées, généralement à cause de la chute naturelle des arbres ou des vents forts », explique Hélène Richard, botaniste à l’ONF Guyane depuis plus de deux décennies. « C’est la première fois que nous observons des zones perturbées aussi vastes. C’est déroutant, les arbres semblent mourir subitement… ils restent droits, perdent leurs feuilles et meurent. Il s’agit souvent de grands arbres. »
Entre une zone affectée et une autre, le taux de mortalité dans les parcelles tests évaluées par l’ONF fluctue entre 40% et plus de 80%, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de 5% dans le reste de la forêt. La reconnaissance de ce phénomène remonte à 2022, lorsque les premières zones de défoliation, avec des arbres commençant à mourir, ont été identifiées dans la réserve de La Trinité. « Grâce à des images satellites, nous avons découvert qu’il existait d’autres zones beaucoup plus grandes qui étaient également touchées », rapporte Jérémy Commins, responsable de recherche et développement à l’ONF.
Après supervision aérienne, environ 10 000 hectares de terrains en déclin ont été identifiés jusqu’à maintenant à l’ouest de la Guyane. Dans cette jungle équatoriale de 8 millions d’hectares – ce qui représente 96% du pays – cela semble insignifiant. Néanmoins, l’Office National des Forêts (ONF) est préoccupé. Dans les zones affectées, les écosystèmes locaux et des espèces patrimoniales telles que l’angélique, un type de bois très demandé dans l’industrie de la construction, sont menacés. Jusqu’ici, les forêts utilisées pour l’exploitation du bois ne sont pas touchées.
Avec l’appui du ministère de la transition écologique, une première étude sur le terrain a été réalisée en avril, près de la réserve naturelle de La Trinité, suivie d’une seconde fin septembre sur le même site, mais dans des zones d’essai. « Notre protocole inclut tous les arbres de plus de dix centimètres de diamètre. Nous vérifions s’ils sont vivants ou morts, la proportion de feuilles perdues et leur espèce », explique Hélène Richard. L’objectif est de comprendre au maximum les arbres affectés et de prévoir leur évolution. Il s’agit aussi de voir si cela va s’intensifier, atteindre d’autres sites en Guyane. L’étude recense également les espèces les plus affectées et les plus résilientes, dans une forêt extrêmement diversifiée qui abrite plus de 1 600 espèces.
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