Lors de la publication du dernier « World Energy Outlook », Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), a fait une déclaration surprenante. Il a déclaré que nous avions vécu l’ère du charbon et l’ère du pétrole et que nous nous engagions à grands pas dans l’ère de l’électricité, qui déterminera le système énergétique mondial de demain.
Il est à noter que ce n’est pas la première fois que l’expression « ère électrique » est utilisée. En effet, le terme a déjà été utilisé comme titre d’une revue en 1898. À cette époque, l’électricité suscitait une vue simplifiée des dynamiques matérielles. Certains penseurs, attirés par cette nouvelle ère, prédisaient la fin de l’ère du charbon.
Au XIXe siècle, le chimiste et ministre français Marcelin Berthelot avait prédit qu’en l’an 2000, l’électricité et les énergies renouvelables auraient supprimé le besoin des mines de charbon et donc des grèves des mineurs ( « En l’an 2000 », in Science et Morale, Calmann-Lévy, 1896).
Les énergies renouvelables se développent inégalement
Entre les deux guerres mondiales, l’écossais Patrick Geddes, sociologue et biologiste, ainsi que l’historien américain Lewis Mumford, ont prédit un basculement imminent vers une ère « néotechnique », basée sur l’hydroélectricité. Ils pensaient que le réseau électrique allait accélérer l’obsolescence du capitalisme et entraîner l’émergence d’une économie socialiste gérée par les ingénieurs.
Alors que certains proclamaient l’arrivée de l’ère électrique, les spécialistes ainsi que toute personne ayant une réflexion sérieuse sur le monde matériel, reconnaissaient cette aspiration comme une illusion. L’utilisation du bois avait considérablement augmenté au XIXe siècle, en partie à cause du charbon. Le XXe siècle, que beaucoup annonçaient comme celui du pétrole et de l’électricité, verrait une utilisation accrue du charbon. Les chiffres indiquaient également que, bien que l’hydroélectricité pourrait aider à économiser le charbon, elle ne le remplacerait certainement pas.
Cette différence est aussi perceptible lorsque l’on compare le rapport de l’AIE et les déclarations de son directeur. Le « World Energy Outlook » de 2024 indique que malgré la croissance des énergies renouvelables, la production d’électricité à partir de combustibles fossiles a encore augmenté en 2023. Le développement des panneaux solaires et des éoliennes est inégal, avec une progression importante en Chine et en Europe, mais une progression moindre dans les pays pauvres qui en ont pourtant le plus besoin. L’objectif de doubler l’efficacité énergétique d’ici à 2030, déclaré lors de la COP 28, semble maintenant inaccessible.
Les analystes de l’AIE soulignent que la progression des énergies renouvelables, en diminuant la demande en pétrole et en gaz, et donc peut-être leur coût, pourrait décourager l’installation d’énergies renouvelables. Les investissements récents dans les terminaux de gaz suggèrent une augmentation de 50% du gaz naturel liquéfié – une source d’énergie particulièrement polluante – avant 2030.
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