Il est juste d’affirmer que l’on attendait beaucoup de ce rapport, mais avec toute grande attente, le risque d’être déçu est significatif. Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont présenté au premier ministre, Michel Barnier, leur compte rendu sur les « politiques d’exonérations de cotisations sociales » le jeudi 3 octobre. Ils avaient été chargés de cette tâche par Elisabeth Borne lorsqu’elle était à Matignon, suite à la conférence sociale d’octobre 2023.
Ils devaient en particulier étudier pourquoi les réductions des cotisations sociales des employeurs introduites dans les années 1990 pour faire face au chômage massif en France, surtout parmi les travailleurs peu qualifiés, maintiennent de nombreux travailleurs au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic).
Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’avec l’inflation actuelle, le nombre de personnes touchant le Smic continue d’augmenter. Du fait que le salaire minimum est indexé sur l’inflation, il a énormément augmenté au cours des dernières années, passant de 1554,58 euros brut en début d’année 2021 à 1766,92 euros en début d’année 2024. En conséquence, de nombreux salariés, dont les salaires étaient auparavant plus élevés mais qui n’ont pas ou peu augmenté, sont maintenant au salaire minimum. Au 1er janvier 2023, 17% des salariés du secteur privé se trouvaient à ce niveau de rémunération.
Politique de trente ans sans jamais avoir été évaluée.
Depuis 2022, tous les gouvernements successifs, jusqu’à celui de Michel Barnier, ont prôné une action pour augmenter les salaires. Ce qui serait aussi le moyen de remédier à un problème soulevé par Antoine Foucher dans son livre « Sortir du travail qui ne paie plus » (L’Aube, 144 pages, 17 euros).
L’ancien chef de staff de Muriel Pénicaud, lorsqu’elle occupait le poste de ministre du travail, a évalué, en s’appuyant sur les statistiques de l’Institut national de la statistique et des études économiques, que depuis presque quinze ans, le travail n’augmente plus le niveau de vie pour la majorité des individus. Avant 1980, quinze années de labeur étaient nécessaires pour doubler la qualité de vie ; une durée qui a augmenté à quarante ans durant les années 1980 à 2000. Depuis ce temps, il faudrait plus de quatre-vingts ans de labeur pour augmenter au double le niveau de vie.
Le processus ayant mené à la diminution graduelle du pouvoir d’achat des travailleurs a pris des décennies, et renverser cette évolution ne se fera pas instantanément. C’est la réalité que les auteurs du rapport ont conclue. Lire à travers les trois cents pages de ce document, c’est s’immerger dans trente ans de stratégies cumulatives et superposées sans réelle évaluation des impacts des précédentes. Une complexité qui rigidifie actuellement le système.
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