Timothy Snyder, un éminent historien spécialiste de la Shoah et de l’Europe centrale, occupe le poste de professeur à l’Université Yale, dans le Connecticut, et est chercheur à l’Institut des sciences humaines de Vienne, en Autriche. Outre son livre de renommée « Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline » publié par Gallimard en 2012, il a récemment publié « De la liberté » (Gallimard, 416 pages, 26€).
Tout au long de sa carrière, Snyder a concentré ses recherches sur la violence d’État, se focalisant en particulier sur l’Holodomor, les famines massives orchestrées par Staline en Ukraine dans les années 1930, et sur la Shoah. C’est maintenant le concept de liberté qui retient son attention. Cela se justifie par sa quête de compréhension des atrocités du 20ème siècle, en particulier la raison pour laquelle ces horreurs ont eu lieu en Europe centrale et orientale, un sujet qu’il a approfondi dans son précédent ouvrage « De la tyrannie. Vingt leçons du XXe siècle » (Gallimard, 2017). Il s’agissait d’un cri d’alarme contre les dangers du trumpisme, où Snyder cherchait à sensibiliser ses compatriotes américains sur comment empêcher une telle violence. Cependant, une question cruciale demeurait sans réponse, une question qu’il ne pouvait plus ignorer : la signification de cette liberté si précieuse que nous devons préserver. Quels sont les préalables pour sa protection? Ses nombreuses années de recherche l’ont finalement conduit à explorer ce sujet : la nature de la liberté et la façon de veiller à son épanouissement.
Il convient de noter que Snyder, dans son livre, s’oppose à la définition prévalente de la liberté aux États-Unis, souvent qualifiée de « négative » car elle repose sur l’absence d’obstacles, en particulier de ceux imposés par l’État. Sa remise en question de cette conception de la liberté est une autre facette de sa recherche continuée.
La notion de liberté négative – envisagée comme la simple absence d’oppression ou d’obstacles – est un concept à la fois séduisant et trompeur. Positionner la liberté uniquement sous cet angle revient à émettre une demi-exactitude, qui se transforme en erreur lorsqu’on la considère comme l’unique définition de la liberté. Certes, on doit admettre qu’aucun obstacle ne devrait nous limiter, néanmoins, cette vision de la libération reste insuffisante. Quand on élimine les barrières qui nous limitent, de nombreuses questions émergent : Qui sommes-nous ? Qui cherchons-nous à devenir ? Quelles sont nos valeurs essentielles et comment prévoyons-nous les implémenter ? Le concept de liberté ne peut se réduire à l’éviction du mal, il requiert aussi la présence du bien, un élément crucial pour favoriser notre humanité. Ainsi, des éléments comme la sécurité, l’éducation, la solidarité sont indispensables pour véritablement véhiculer la liberté; cette dernière ne doit pas être uniquement envisagée comme une résistance à l’oppression, mais également comme une force génératrice de création.
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