A l’extrémité de la vaste prairie, la silhouette de la forêt amazonienne se découpe comme un trait foncé. De lointains zébus paissent. Pablo Emilio Olarte, âgé de 74 ans, résidant d’une maison en bois dans le hameau de Guacamayas situé dans le département colombien du Guaviare, se rappelle : « Quand nous sommes arrivés il y a un demi-siècle, cette forêt s’étendait à perte de vue. Les quelques camions qui empruntent la route poussiéreuse soulèvent un nuage rougeâtre. Avec mon père, nous avons abattu ces immenses étendues boisées à la hache, dix hectares par an sur une durée de trente ans », raconte Pablo Emilio. Après avoir élevé des vaches, il s’est mis à cultiver de la coca, arbuste à partir duquel est extraite la cocaïne, avant d’arracher ses plants de coca et de racheter d’autres vaches. « En somme, j’ai suivi le courant, comme tout un chacun résume Pablo Emilio. Néanmoins, nous avons finement réalisé l’ampleur des dégâts que nous avons causés et nous cherchons à les réparer ». Il est aujourd’hui à la tête de la petite association d’élevage écologique de Guacamayas.
La forêt occupe actuellement plus de la moitié (52%) du territoire colombien, dont deux tiers sont constitués de la forêt amazonienne. Cependant, le pays a perdu près de 6 millions d’hectares de forêt, alors qu’il en comptait 64,8 millions en 1990. Précédemment à 1990, les autorités incitaient les agriculteurs défavorisés à migrer vers l’Amazonie. « Il n’y a pas si longtemps, il était nécessaire de prouver que l’on avait déboisé pour obtenir un prêt bancaire », rappelle Danilo Avila, éleveur lui aussi.
Selon Javier Revelo-Rebolledo, un chercheur de l’université du Rosaire à Bogota, la déforestation en Colombie est causée par une variété de facteurs, contrairement au Brésil où elle est principalement le résultat des grands acteurs de l’agro-industrie. En Colombie, les causes sont diverses, allant des petits agriculteurs aux grands spéculateurs immobiliers, en passant par les narcotrafiquants et les groupes armés. Marie-Gabrielle Piketty, économiste au Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement et spécialiste de l’Amazonie, affirme que l’un des principaux problèmes en Colombie est la difficulté de l’État à contrôler son territoire.
Un bon exemple de ce problème est le Guaviare, situé à l’est de la cordillère des Andes. Le département, couvrant 55 000 kilomètres carrés (soit un dixième de la taille de la France), est 85% boisé. Le Guaviare a connu une augmentation importante de la production de coca au début du siècle. En dépit des efforts de répression de l’État, y compris la pulvérisation à grande échelle de glyphosate et les programmes de « substitution », la production de drogues illégales s’est simplement déplacée vers l’ouest du pays. La Colombie est toujours le plus grand exportateur mondial de cocaïne. Selon le dernier rapport de l’agence des Nations Unies contre la drogue et le crime, la production de cocaïne a augmenté de 53% en 2023 pour atteindre plus de 2 600 tonnes, ce qui représente une augmentation de 53% par rapport à 2022.
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