Dans son dernier opus « Echec et mat au paradis », Sébastien Lapaque nous plonge dans les mystères de la rencontre entre Georges Bernanos et Stefan Zweig en janvier 1942, en pleine barbarie de la Seconde Guerre mondiale, au Brésil. Tous deux exilés volontaires, le premier fuyant l’horreur génocidaire s’abattant sur l’Europe et le second, fervent monarchiste catholique, se retrouvent dans le hameau de Barbacena. Le content de leurs échanges reste nébuleux, à l’inverse de ceux qu’a pu avoir Bernanos avec Malraux en 1937, fidèlement transcrits par l’écrivain belge Paul Nothomb.
Selon Geraldo França de Lima, témoin incontournable de cette rencontre, ils ont conversé pendant plusieurs heures en français, leur langue commune de prédilection et celle du mentor littéraire de Bernanos, Balzac. L’écrivain autrichien travaillait alors sur la biographie de ce dernier (Balzac. Le Roman de sa vie, 1950). En fin de journée, alors que Zweig et sa femme repartent en direction de Rio, Bernanos laisse échapper un pressentiment tragique : « Il est en train de mourir. » Une prémonition tragiquement vérifiée le 23 février 1942, lorsque les corps de Stefan et Lotte Zweig sont retrouvés dans leur résidence de Petropolis, entrelacés, victimes d’un suicide par empoisonnement. Une histoire qui a inspiré une adaptation théâtrale.
Dans cette démarche finale, treize lettres sont envoyées à des amis proches et collaborateurs, écrites avec une certaine dignité et un timing précis. Une lettre en particulier signifie l’intention délibérée et clairement assumée, signant avec une affirmation d’amitié forte et un aperçu de l’aube suivant une nuit prolongée. En ce qui concerne le suicide de Zweig, Bernanos émet l’hypothèse qu’il peut être en attente d’une dernière faveur de leurs amis, parler en son nom à ceux qui sont également tentés par le désespoir.
Depuis 1998, Sébastien Lapaque, journaliste au Figaro littéraire, romancier et nouvelliste, a mené un travail de recherche sur Bernanos, qui est plus pour lui un motif qu’un sujet, plus une mission qu’une oeuvre. Il avoue être obsédé par leur brève rencontre et les mots échangés, qui ont depuis été cachés. En dehors de la grandeur de l’histoire littéraire, cette rencontre unique et surtout l’aspiration de Stefan Zweig à elle, et l’accueil chaleureux de Bernanos, sont pour Lapaque des indices significatifs – un signe quasi eschatologique, une harmonie éphémère commune qui vaut la peine d’être scrutée, reconstruite en détail. Il a même envisagé une version théâtrale, dont on trouvera des extraits inclus dans le livre.
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