Pour concevoir cette histoire, il faut vous projeter à la fin des années 1980. À cette époque, Monica Bellucci est une jeune mannequin à l’avenir prometteur. Elle passe de casting en casting jusqu’à ce qu’elle franchisse la porte du bureau milanais de deux jeunes créateurs italiens plein d’ambition, Domenico Dolce et Stefano Gabbana, qui ont inauguré leur marque de prêt-à-porter en 1985. Leur découverte est un éblouissement mutuel. Durant trois décennies à venir, ils feront d’elle leur top modèle privilégié.
Ce lien inédit est raconté dans un magnifique livre simplement intitulé Monica (Rizzoli), disponible en bibliothèque début novembre. Sur près de trois cents pages, les photographies de cette mannequin devenue actrice à la carrière florissante dévoilent un aperçu de l’Italie à travers le regard de Dolce & Gabbana. On y découvre l’image de l’Italienne telle que conçue par le duo et incarnée par Bellucci : une séductrice fatale en robe moulante noire avec un décolleté plongeant, indomptable en ensembles masculins bien coupés avec des revers en satin, ou bouleversante en tant que mère sicilienne à peine cachée derrière son voile.
« Avec Domenico et Stefano, j’ai toujours eu le sentiment d’être une extension de l’art à travers la mode. J’étais là pour donner vie à leur monde imaginaire », explique Monica. « Monica a été, est et restera pour toujours notre source d’inspiration. Avec ces trente années de collaboration, nous avons créé un lien profond, presque primal avec elle, et ce livre en est le témoignage. Aujourd’hui et pour toujours », soulignent les stylistes.
Que ce soit des mannequins, des aristocrates ou des alter ego…
La notion de la muse a toujours été associée à la conception de la mode. On peut considérer Marie-Antoinette comme la première muse, qui a servi d’inspiration pour plusieurs créations de Rose Bertin, sa couturière personnelle, selon Xavier Chaumette, un historien de la mode. Plus tard, au dix-neuvième siècle, l’idée de la muse pour Charles Frederick Worth, un pionnier de la haute couture parisienne, était similaire à cette des peintres qui cherchaient des femmes ordinaires, prêtes à poser pour eux. Cependant, Worth préférait choisir ses muses parmi l’aristocratie. Les créateurs avaient besoin de vrais corps féminins pour donner vie à leurs idées et leurs créations.
Ce besoin a persisté tout au long du vingtième et vingt-et-unième siècles. « Surtout parmi les designers masculins. Les femmes étaient souvent leur source d’inspiration, comme Gabrielle Chanel le soulignait », précise Xavier Chaumette. Une des premières muses reconnues est Victoire Doutreleau, qui a commencé sa carrière comme mannequin chez Dior à l’âge de 18 ans, alors qu’Yves Saint Laurent était l’assistant de Christian Dior. Par la suite, elle a accompagné le jeune designer à lunettes lorsqu’il a fondé sa propre maison de couture en 1961. Comme Saint Laurent s’en souvenait lors d’une interview avec Paris Match en 1992, « De collection en collection, l’image de Victoire, une mannequin sublime et une muse exceptionnelle, était constamment dans mon esprit. »
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