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Sommeil : Perte de temps ?

Être privé de sommeil et prendre le volant pourrait être aussi risqué que de conduire après avoir bu deux coupes de vin. C’est une information qui pourrait perturber le sommeil de certains. Les insomniacs des temps passés pouvaient rester éveillés sans connaître les dangers qu’ils couraient en conduisant une voiture ou un chariot le jour suivant. Les insomniacs du 21ème siècle, cependant, sont submergés par des recherches qui les alertent des répercussions de leurs courtes heures de sommeil sur leur santé. Obésité. Crise cardiaque. Diabète. Hypertension. Dépression. Ils peuvent passer toutes leurs nuits d’insomnie à parcourir des études scientifiques révélant les risques de rester éveillés.

L’insomniac du 20ème siècle se tournait vers la camomille, alors qu’à l’heure actuelle, ils se tournent vers l’auto-quantification, un phénomène qui inclut le suivi de tous les aspects de la vie personnelle. Ainsi, ceux qui sont victimes d’insomnie disposent d’une variété d’outils – montres intelligentes, bagues, applications – leur offrant des scores médiocres sur la qualité de leur sommeil profond et paradoxal dès leur réveil. C’est comme si ne pas bien dormir n’était pas suffisant, il faut en plus en ressentir de la culpabilité.

Lorsque Gabriel Attal a été nommé Premier Ministre en janvier 2024 et que l’on a découvert qu’il ne dormait que quatre heures par nuit, cela a déclenché une avalanche de reportages sur les conséquences nocives de la privation de sommeil. La qualité du sommeil est devenue une caractéristique importante des individus productifs. Se vanter de ne nécessiter que quelques heures de repos nocturne est aussi démodé que de se vanter d’une consommation excessive de viande rouge. Aujourd’hui, l’obsession d’un bon sommeil, ou l’orthosomnie, est soutenue, non pas par ceux qui souhaitent prendre leur petit déjeuner au lit, mais par ceux qui cherchent à être efficaces et à prolonger leur vie. Les sept heures de repos nocturne sont le nouvel équivalent de dix mille pas par jour.

Signes de reconnaissance de ces individus? Par prudence, ils préfèrent parler de « troubles du sommeil » plutôt que d’ « insomnie ». Ils ont connaissance d’une application qui permet d’évaluer la qualité du sommeil, mais sont également au courant d’études révélant qu’un téléphone dans la chambre nuit au sommeil. Avec l’âge, ils ont substitué les livres sur le sommeil des enfants par des articles sur le sommeil des adultes. Ils utilisent le mode « envoi programmé » pour les emails rédigés à 3 heures du matin. Ils se questionnent si leur trouble du sommeil ne serait pas dû au Covid, au télétravail ou à la sédentarité. En attendant, ils n’arrivent pas à trouver le sommeil à cause des pensées incessantes sur les effets de leur privation de sommeil sur leurs activités du lendemain et leur espérance de vie dans le futur.

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