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18 octobre 2024 4 h 47 min

Parulskis : Regarder le passé

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Le livre « Ténèbres et compagnie » (Tamsa ir partneriai) par Sigitas Parulskis, a été traduit du lituanien par Marielle Vitureau et publié par Agullo. Le livre comprend 310 pages et coûte 22,50 € pour une copie physique ou 14 € pour une version numérique. En juin 1941, à l’époque de l’occupation nazie, plus de 220 000 Juifs vivaient en Lituanie. À la fin de la guerre, seulement 12 000 d’entre eux étaient encore en vie, soit sur place, soit en exil. Cela signifie que 95 % d’entre eux ont été tués avec l’aide d’une partie de la population locale. Entre 13 000 et 15 000 Lituaniens ont servi comme auxiliaires des forces nazies impliquées dans la Shoah.

C’est seulement en 1995 que le président Algirdas Brazauskas (1932-2010) a demandé pardon devant le Parlement israélien pour le rôle de la Lituanie dans la destruction des Juifs d’Europe. Cette prise de conscience s’est progressivement étendue à tous les aspects de la vie lituanienne, y compris la politique, la société, l’intellect et l’art, et a pris de l’ampleur au cours de la dernière décennie.

Sigitas Parulskis, en plus d’être un poète, romancier, dramaturge, critique, traducteur et photographe prolifique dont l’œuvre a été traduite dans le monde entier, a marqué une étape importante avec « Ténèbres et Compagnie ». Publié en 2012, c’est le premier roman en Lituanie à se consacrer à ce sujet, même si des poètes comme Tomas Venclova et certains historiens avaient déjà abordé cette question dans leur travail.

Dans une écrasante précision, souvent intolérable, en dépeignant les massacres, nous sommes plongés dans l’histoire d’un photographe, chargé par un commandant SS de recenser les actions perpétrées par les forces nazies et les auxiliaires lituaniens. Ce récit devient encore plus perturbant par la maîtrise incroyable des changements de ton, naviguant entre l’horreur brute des cercles de l’enfer et les émotions imbriquées du protagoniste, Vincentas. Cela inclut particulièrement son histoire d’amour avec la jeune juive Judita, où le lecteur se voit inexorablement entrainé dans l’effroi, grâce à la familiarité grandissante avec Vincentas.

Sigitas Parulskis parvient à dépeindre l’inhumanité comme un dérivé de l’humanité, dans une détonation de puissance, réalisant ainsi son désir initial : réveiller les consciences à travers le prisme du crime. Retour sur un des romans lituaniens les plus marquants du début du 21ème siècle, avec son auteur, rencontré lors de l’exposition ArtVilnius’24 où il montrait ses photos.

Est-ce que la collaboration lituanienne est un thème récurrent dans votre travail ?
Pas du tout. C’était la première fois que je la traitais et je ne l’ai pas refait depuis. Je ne suis ni un historien ni un romancier habitué à écrire sur l’histoire, qui n’est qu’un arrière-plan dans mes livres. Ce qui m’interpelle, c’est l’humain et comment il réagit dans une situation précise. Cependant, à ce stade de ma vie, ce livre était une obligation pour moi. J’avais 25 ans lorsque la Lituanie a retrouvé son indépendance [1990]. Sous l’occupation soviétique, on était peu informé sur ce qui s’était produit pendant la seconde guerre mondiale. Surtout, la Shoah était à peine évoquée. Ils parlaient des citoyens soviétiques assassinés par les nazis, sans spécifier qu’il s’agissait principalement de juifs.

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