La contribution à ce direct a été possible grâce à Cécile Bouanchaud, Minh Dréan, Glenn Cloarec, Sandra Favier, Marie Pouzadoux, Jean-Philippe Lefief et Solène L’Hénoret. Nous vous convions à lire l’ensemble de nos articles, analyses et reportages sur le conflit en Ukraine.
Nous proposons un reportage portant sur l’offensive de Koursk qui place l’Ukraine dans une position inédite d’armée d’occupation. Une analyse explique également pourquoi l’armée ukrainienne se retire de Vouhledar et se trouve en constant recul face à l’agression russe. Nous avons une lettre en provenance de Kiev qui dépeint un musée dédié à la guerre contre la Russie.
D’après un reportage, des soldats russes capturés ont subi des sévices, selon un rapport de l’ONU. Cliquez sur une ligne pour obtenir plus de détails ou réduisez tout. Comment Moscou et Kiev font-ils usage de drones ?
Ces derniers mois, la bataille de drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint une intensité sans précédent. Selon un rapport publié en mai 2023 par un groupe de réflexion britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones chaque mois sur le front, soit plus de 300 par jour. Pour comparer, l’armée française ne possède que slightly plus de 3 000 drones.
Les Ukrainiens et les Russes font principalement usage de petits UAV (véhicules aériens sans pilote, en anglais) d’origine civile, qui sont économiques et disponibles en grande quantité. Ils sont utilisés pour l’observation du terrain de guerre et pour diriger les troupes ou les tirs d’artillerie. Quelques-uns sont également modifiés pour transporter de petites charges explosives qui sont ensuite larguées sur les tranchées ou les véhicules blindés.
Bien que moins courants, les drones-kamikazes jouent un rôle crucial. Ces UAV, équipés d’explosifs, sont déployés au-dessus des lignes de front sans cible prédéterminée. Les Russes utilisent les Lancet-3, des drones de leur propre fabrication, ainsi que les Shahed-136 d’origine iranienne. L’Ukraine, ne possédant pas une flotte de guerre adéquate, défie ses adversaires avec des navires sans pilote et des kayaks miniatures télécommandés, chargé avec 450 kilos de TNT.
Afin de soutenir leurs opérations sur la durée, les Ukrainiens et les Russes ont développé leurs propres capacités de production. Au début de la guerre du Donbass, il y a dix ans, l’industrie ukrainienne a été fort rudimentaire, mais elle s’est depuis développée. En fin d’août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a déclaré qu’une version du Lancet russe avait été reproduite et serait bientôt mise en service sous le nom de Peroun, nom du dieu slave de la foudre et du tonnerre.
En raison des sanctions occidentales limitant l’approvisionnement en composants électroniques, la Russie a rencontré des difficultés. Cependant, selon les services de renseignement américains, ils ont commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour produire des drones-kamikazes conçus en Iran, comme les Shahed-136.
L’état actuel des stocks de missiles russes reste un mystère. Les services de renseignement ukrainiens publient régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs chiffres ne sont pas toujours fiables.
Andri Ioussov, qui est le porte-parole officiel du département d’intelligence du ministère de la défense (GUR), a révélé dans un rapport avec Liga.net que, avant le début de la guerre, la Russie possédait approximativement 2 300 missiles à bord fixe ou missiles de croisière. Au début de cette année, ce nombre avait diminué, mais restait supérieur à 900. En plus de cela, selon les déclarations de Ioussov, la Russie dispose de plusieurs milliers de missiles anti-aériens S-300, avec une portée d’environ 120 kilomètres. Elle dispose également d’une quantité importante de missiles S-400, une version plus récente avec une portée trois fois plus grande. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième en commandement au GUR, avait affirmé que la Russie possédait 585 missiles avec une portée supérieure à 500 kilomètres.
En termes de capacités de production, il semble que la Russie soit maintenant capable de produire à peu près une centaine de missiles à bord fixe ou de croisière par mois, comme le suggèrent de nombreux experts. En octobre, le GUR avait estimé la production à 115 exemplaires.
Il apparait aussi que la Russie a acquis des missiles à courte portée de l’Iran et de la Corée du Nord et qu’elle continue d’augmenter son stock. Selon l’agence Reuters, qui cite diverses sources iraniennes, environ 400 missiles iraniens de la série Fateh-110 (300 à 700 kilomètres) ont été livrés à la Russie depuis janvier, date à laquelle un accord a été signé. Le nombre précis de missiles provenant de la Corée du Nord est inconnu, mais il est certain que 24 d’entre eux ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, c’est ce que confirme le procureur général, Andriy Kostin. Selon les spécialistes ayant examiné les débris et les trajectoires, il s’agirait sans doute de missiles KN-23 et KN-24 avec une portée aux alentours de 400 kilomètres.
Quant aux avions de chasse F-16, aucune information n’est donnée sur ce sujet.
Au commencement de mois d’août, l’Ukraine a reçu ses F-16, des avions de combat américains demandés par Kiev depuis le déclenchement du conflit. Le haut responsable des forces militaires, Oleksandr Syrsky, a déclaré que l’emploi judicieux de ces avions sophistiqués aiderait à préserver la vie des militaires ukrainiens. Ruslan Stefanchuk, le président du Parlement, s’est réjoui de l’arrivée du « avion de guerre tant attendu qui peut significativement améliorer nos compétences ».
Néanmoins, le 30 août, le haut commandement militaire ukrainien a rapporté qu’un de ces avions a crashé, entraînant la mort du pilote, lors de la défense contre une attaque massive de missiles russes sur le territoire ukrainien. Depuis le commencement de l’invasion russe en février 2022, Kiev s’est obstiné à demander la livraison des F-16 fabriqués aux États-Unis. En août 2023, le président américain, Joe Biden, a approuvé le déploiement de ces avions en Ukraine, même si les États-Unis n’en ont fourni aucun.
D’ici 2028, l’Ukraine devrait recevoir 95 avions de la part de ses alliés, avec trente de Belgique, vingt-quatre des Pays-Bas, vingt-deux de Norvège et dix-neuf du Danemark. De même, la Suède s’est engagée à la fin de mai à envoyer un avion AWACS, essentiel pour le recueil des renseignements et la coordination d’éventuelles interactions avec des F-16.
En outre, les pilotes ukrainiens doivent être formés pour manipuler ces avions de combat américains. Onze nations alliées se sont engagées à former les pilotes. Quel est le soutien militaire que Kiev reçoit de ses alliés?
Deux années se sont écoulées depuis le commencement de l’intense conflit militaire, et l’assistance occidentale à Kiev paraît s’affaiblir. La période d’août 2023 à janvier 2024 a vu une diminution des nouveaux apports d’aide par rapport à la même période un an auparavant, d’après le plus récent rapport de l’Institut Kiel, paru en février 2024. Cette tendance pourrait se prolonger, compte tenu des difficultés rencontrées par le Sénat américain pour approuver des fonds et l’obstruction hongroise qui a empêché l’Union européenne (UE) d’adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024. Il faut préciser que ces deux tranches d’aide ne figurent pas encore dans le bilan final de l’Institut Kiel, qui s’arrête à janvier 2024.
L’analyse de l’institut allemand révèle une réduction et une consolidation du nombre de donateurs autour d’un groupe de pays comprenant les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces pays se sont engagés à fournir une aide financière considérable et des armements de pointe. Depuis février 2022, l’engagement total des pays soutenant Kiev sur le plan militaire, financier et humanitaire s’élève à au moins 276 milliards d’euros.
En termes absolus, les pays les plus prospères se sont montrés les plus généreux. Les États-Unis sont les premiers donateurs avec plus de 75 milliards d’euros d’aide annoncée, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) combinées à des aides collectives provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), ce qui représente un total de 158,1 milliards d’euros.
Lorsque l’on examine ces contributions en proportion du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le classement est réorganisé. Les États-Unis sont descendus au vingtième rang de la liste (0,32 % de leur PIB), se positionnant beaucoup plus bas que des nations adjacentes à l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques amicales. C’est l’Estonie qui prédomine, contribuant à hauteur de 3,55% de son PIB, suivie par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). Les deux dernières places du top 5 sont occupées respectivement par la Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %). Ces trois pays baltes, qui partagent tous des frontières communes avec la Russie ou son alliée, la Biélorussie, sont parmi les plus généreux donateurs depuis le début du conflit.
La France se trouve au vingt-septième rang en termes de pourcentage du PIB, ayant contribué à hauteur de 0,07% de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’assistance de Paris a régulièrement diminué depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France étant passée du vingtième rang en avril 2023 au treizième rang à l’été 2022.
Qu’en est-il des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
Les tensions ont été palpables entre l’Ukraine et la Pologne depuis plusieurs mois, provoquées par le transit des céréales venant d’Ukraine. Afin de favoriser l’exportation et la commercialisation des produits agricoles ukrainiens sans l’imposition de droits de douane vers l’Afrique et le Moyen-Orient, des « voies de solidarité » avaient été établies par la Commission européenne au printemps 2022.
Malgré cela, près de la moitié des céréales ukrainiennes passent par, ou finissent leurs voyages au sein de l’Union Européenne (UE). Selon la Fondation Farm, une institution axée sur l’étude des enjeux agricoles globaux, ces céréales affichent un coût nettement inférieur à celui du blé produit dans l’UE, et cela est surtout vrai dans les pays d’Europe centrale.
La Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie, se basant sur l’argument que ces céréales déstabilisent l’économie locale et par conséquent, les revenus de leurs agriculteurs, ont procédé à un blocage unilatéral de leurs importations en avril 2023. Ces pays avaient alors obtenu l’approbation de Bruxelles pour leur embargo, mais seulement si cela n’entravait pas le transit vers d’autres pays et durait seulement quatre mois.
Cependant, Varsovie a choisi de ne pas relancer les importations de céréales depuis l’Ukraine à la fin de l’été, jugeant que les questions posées par la problématique initiale n’ont pas été correctement résolues. En opposition, Bruxelles considérait qu’un arrêt de l’embargo devait être effectué car ses analyses ont démontré qu’aucune distorsion du marché national concernant les céréales n’existait désormais.
Les fermiers polonais ont mis en place un blocage à la frontière polono-ukrainienne afin d’interdire le passage des camions ukrainiens, en particulier leurs produits agricoles et alimentaires, pour lesquels ils demandent un « embargo total ». Ils dénoncent une hausse considérable de leurs frais de production, en même temps qu’une saturation des silos et entrepôts et une baisse drastique des prix. En 2024, le président ukrainien a qualifié ce blocus de preuve de « l’affaiblissement de la solidarité » envers son pays, exigeant des discussions avec la Pologne. Il a également insisté sur le fait que « seule Moscou se réjouit » de ces tensions et a critiqué « l’émergence de slogans clairement pro-Poutine ».
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