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17 octobre 2024 3 h 44 min

Malte dégrade citoyenneté européenne

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Est-ce que la nationalité française et celles des autres nations européennes pourraient éventuellement devenir des marchandises disponibles à l’achat ? Il se pourrait que la Cour de justice de l’Union européenne soit en train de pencher vers une réponse affirmative à cette question. C’est parce que la Cour a été chargée par la Commission européenne de se pencher sur la situation à Malte. Depuis 2014, ce pays a commencé à monétiser sa nationalité et, de fait, la citoyenneté européenne pour un coût avoisinant le million d’euros. Le 4 octobre, l’Avocat Général Anthony Collins a suggéré à la Cour de ne pas intervenir.

Cela ne garantit pas la décision finale de la Cour, mais cela indique une tendance possible, étant donné que les conclusions de l’Avocat Général sont généralement respectées par les juges européens. Selon Anthony Collins, Malte est libre de monétiser sa nationalité car aucune contrainte n’est imposée aux Etats membres en matière d’attribution de la nationalité. Néanmoins, la Commission européenne et le Parlement européen considèrent cette pratique de vente de la citoyenneté européenne comme illégitime.

Pour mettre les points sur les i, en mettant sa nationalité en vente, le gouvernement maltais vend en réalité l’accès aux autres pays membres de l’Union européenne. Un ressortissant russe, chinois ou émirati fortuné désire-t-il acquérir la nationalité maltaise dans l’espoir de s’y installer ? Il est peu probable qu’il s’installe réellement là-bas. L’intention réelle derrière cet achat est d’obtenir la citoyenneté de l’UE, ce qui garantit le droit de libre circulation et de résidence sur l’ensemble du territoire européen, ainsi que des droits politiques lors des élections locales et européennes.

Un passe-partout très cher, en somme.

Malte commercialise sa citoyenneté à un coût exorbitant, tirant profit de ce qu’elle ne possède pas réellement, facilitant ainsi l’exploitation abusive de la citoyenneté européenne. Cette malhonnêteté est l’argument clé de la Commission devant le tribunal, centré sur l’infraction du principe de collaboration loyale stipulé à l’article 4 du Traité de l’Union Européenne.

Mais le sujet ne s’arrête pas là. La nationalité représente un élément crucial de la dignité de chaque individu. Hannah Arendt, après la Seconde Guerre mondiale et l’ample déchéance de nationalité par les nazis en guise d’introduction à la persécution et l’extermination, a admirablement mis en exergue à quel point la nationalité est essentielle : c’est l’outil juridique qui, par l’association à un État, assure une personnalité juridique, fondement de toute protection.

La Cour Suprême des États-Unis a ainsi concédé, lors de l’affaire Trop vs Dulles en 1958, que la perte de nationalité entraînant l’apatridie constituait une pénalité « encore plus primitive que la torture, car elle efface l’existence politique de l’individu ». De surcroît, la Cour américaine décrétait que la nationalité était « le droit possédant des droits », soit l’appui indispensable pour la pleine réalisation des autres droits humains.

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