Dans la soirée d’un mois d’octobre, l’existence de Rose-Merline Florvil a viré dans une direction inattendue en seulement quelques instants. « J’étais dans ma maison lorsqu’on a cogné à la porte. Ce sont les officiers d’immigration qui sont venus, » explique la jeune femme originaire d’Haïti de 24 ans, renvoyée de la République dominicaine le vendredi 11 octobre. « Je n’ai pas eu l’opportunité de me vêtir. Ils se sont saisis de moi et m’ont balancée à l’arrière d’un véhicule », ajoute-t-elle, la voix emplie d’émotion. La jeune pâtissière est native d’Arcahaie, une agglomération maritime proche de Port-au-Prince, la capitale haïtienne.
Cherchant à échapper à la pauvreté et principalement à l’insécurité qui sévit à cause des groupes criminels instaurant la peur en Haïti depuis plusieurs années, la jeune dame s’était relocalisée à Saint Domingue, la capitale du pays voisin, en mai. Elle avait rejoint son partenaire, un peintre en bâtiment, qui avait déménagé trois ans auparavant et qui était en quête d’un travail. Suite à l’arrestation soudaine de la jeune femme qui était enceinte de quatre mois, le couple a été séparé. « Ils m’ont capturée sans mon mari. Il ne se trouvait pas à la maison », conclut Mme Florvil.
Après un long voyage sous des conditions de voyage déplorables, une migrante a été renvoyée du côté haïtien de la frontière de 376 km qui s’étend du nord au sud de l’île d’Hispaniola. Elle a été accueillie par une organisation non gouvernementale haïtienne, le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés, à Belladère, au cœur de l’île. Ayant perdu son téléphone lors de son voyage effrayant, la jeune femme est toujours en recherche urgente de moyen pour contacter son partenaire et sa famille. En larmes, elle confie sur un téléphone emprunté qu’elle n’a plus d’argent pour rentrer chez elle et qu’elle n’a rien à manger.
Depuis le début octobre, les expulsions d’Haïtiens vivant en République dominicaine se sont accrues, à la suite de la décision du président dominicain, Luis Abinader. Le 2 octobre, lors d’une réunion de défense avec des officiers supérieurs de l’armée, il a décidé d’expulser immédiatement jusqu’à 10 000 immigrants par semaine, selon un communiqué présidentiel. La mesure vise à « réduire l’excès de population immigrée » dans le pays, et doit être accompagnée de « protocoles stricts garantissant le respect des droits de l’homme et de la dignité des personnes expulsées ».