L’organisation non-gouvernementale (ONG) ClientEarth a déclaré avoir déposé une plainte contre BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, auprès de l’Autorité Française des Marchés Financiers (AMF) le mercredi 16 octobre. Cette plainte porte sur l’accusation portée par ClientEarth qui affirme que BlackRock qualifie de « durables » des fonds d’investissement qui incluent une quantité substantielle d’actifs fossiles. Ce dossier est un exemple significatif des conflits présents dans le domaine de l’investissement durable.
Se basant sur une étude publiée par Reclaim Finance, une ONG spécialisée, en mars, ClientEarth annonce avoir repéré 18 fonds d’investissement de BlackRock gérés et vendus en France qui sont labellisés « durables » pourraient en fait ne pas l’être. Le litige vient de l’exposition de ces fonds à des sociétés du domaine des énergies fossiles comme ExxonMobil, Shell, TotalEnergies, Chevron ou BP, représentant entre 1% et 27% des fonds, en fonction des cas. Ces investissements totalisent plus d’un milliard de dollars dans les domaines du pétrole, du gaz et du charbon sur l’ensemble de ces portfolios.
« Ces fonds de BlackRock sont trompeurs pour les investisseurs à cause de déclarations inexactes », selon Alex Bennett, avocate chez ClientEarth. Elle soutient que ces méthodes créent une distorsion de la compétition sur le marché et « détournent les flux de capitaux des produits véritablement durables ». L’ONG demande à l’AMF d’enquêter sur ces fonds et de prendre une « réponse forte pour garantir la transparence et la protection des investisseurs ». Elle exige aussi de BlackRock qu’ils mettent de « l’ordre dans [leurs] fonds présumés durables ».
La gestion des fonds « verts » est donc un domaine délicat à maîtriser.
Un porte-parole de BlackRock, s’adressant au Monde, a rejeté les allégations selon lesquelles la société de gestion n’adhère pas aux réglementations relatives aux investissements durables. Il a souligné que les fonds de BlackRock sont gérés en accord avec leurs buts d’investissement spécifiques, qui sont explicitement mis en évidence dans les prospectus de chaque fonds et sur leur site web.
Depuis le début des années 2000, et plus particulièrement après l’accord de Paris sur le climat, le nombre de fonds d’investissement « verts » a considérablement augmenté. Derrière la publicité des institutions financières vis-à-vis de ces fonds, leurs véritables aspirations environnementales sont néanmoins variables.
A ce jour, de nombreuses tentatives pour organiser ce secteur ont eu des résultats mitigés. Par exemple, la règlementation européenne SFDR, entrée en vigueur en 2021, a instauré des catégories de fonds pour représenter leur niveau d’engagement environnemental et social. Cependant, en l’absence d’une définition précise des éléments pouvant être inclus dans un fonds durable, plusieurs sont restés investis dans les énergies fossiles, d’après une enquête du Monde en 2022.
Depuis lors, les régulateurs français et européens se sont davantage concentrés sur la dénomination des fonds d’investissement. De nombreux placements utilisent les termes « durable », « climat » ou « vert » dans leur nom, sans toujours honorer l’engagement implicite que ces labels suggèrent. Il reste à voir si la mise en œuvre de régulations plus sévères déterminera si les gestionnaires d’actifs vont privilégier des actifs plus respectueux de l’environnement, ou simplement retirer ces libellés environnementaux de leur dénomination.
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