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Sans nationalité, crainte et expulsion

Imaginez un instant que votre existence légale s’évapore subitement, que tous les documents officiels attestant votre identité tels que votre passeport, permis de conduire, cartes de crédit, certificat de naissance et autres identifiants uniques disparaissent sans laisser de traces. Vous vous retrouvez incapable de trouver un emploi, d’avoir un compte en banque et d’accéder aux services primaires puisque vous n’existez plus officiellement.
Face à la faim de votre famille, vous êtes obligé d’accepter n’importe quel travail disponible, peu importe sa légalité, sa rémunération ou les dangers qu’il pose. Vous tenteriez volontiers de joindre un proche pour obtenir de l’aide, mais votre téléphone est hors service car votre carte SIM a été éliminée. Aucune trace de votre enfant n’existe dans le système scolaire, l’empêchant ainsi de s’inscrire à l’école et l’excluant de l’éducation.
Vous êtes tombé amoureux ? Il est probable que vous ne puissiez même pas contracter un mariage légalement. Aucun dossier médical ne vous concerne, de sorte que si vous tombez malade ou êtes blessé, vous devez vous débrouiller seul. Sans nationalité et les droits qui y sont liés, vous vivez dans la peur constante d’être malmené, arrêté, emprisonné et même déporté de votre propre pays. Voilà un aperçu de la vie des apatrides, bien que pour beaucoup, l’apatridie ne soit pas une complication soudaine mais une condition subie depuis leur naissance.
Lutter pendant une décennie.

Visualisez le parcours difficile de Tebogo Khoza, un individu qui n’a jamais rencontré son père, a vu sa mère succomber à la maladie, et dont les grands-parents n’ont jamais obtenu de documents d’identification, car le précédent régime d’apartheid en Afrique du Sud estimait inutile de les délivrer aux non-Blancs. Après une lutte de dix ans, Tebogo a finalement reçu à 25 ans, en 2023, un certificat de naissance affirmant sa nationalité sud-africaine.

Pensez également au parcours de Meepia Chumee, qui a été abandonnée étant nourrisson et élevée par des proches sans état d’appartenance défini, et qui a combattu pendant des décennies afin d’avoir accès à un travail déclaré, à des droits fondamentaux, et aux services dans le nord de la Thaïlande. C’est seulement à 34 ans qu’elle a réussi à obtenir la citoyenneté thaïlandaise.

Ces deux récits ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres mis en évidence par le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies (HCR). Ils ne représentent que deux personnes parmi les environ 4,4 millions individus déclarés apatrides ou de nationalité incertaine à travers la planète. En vérité, il est probable que ce nombre soit largement supérieur ; on ne peut pas vous comptabiliser lorsque vous êtes invisibles, et les informations ne sont disponibles que pour environ la moitié des pays mondiaux.

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