Durant le procès des agressions sexuelles de Mazan, le regard juridique souligne l’importance de l’intentionnalité pour établir la culpabilité en cas de viol. Cela conduit néanmoins à se questionner sur la définition d’un « viol commis sans intention » et à identifier ses auteurs. Les co-accusés de ce procès ont utilisé cette zone grise juridique pour leur défense en affirmant qu’ils n’avaient pas l’intention de commettre un viol lorsqu’ils ont accepté de participer à l’acte. Selon eux, le principal accusé les avait induits en erreur sur la réalité de la situation.
La sociologue Irène Théry introduit le concept de « viol opportuniste » pour pousser l’argument de l’intentionnalité encore plus loin. Elle avance que même si les accusés n’étaient pas venus dans l’idée de commettre un viol, ils auraient dû réaliser, à un moment donné et comme le prouvent les vidéos, qu’ils étaient en train de violer une personne. Deux accusés ont d’ailleurs compris cette réalité et ont refusé de participer. En acceptant délibérément de participer à un « viol opportuniste », ils sont effectivement coupables de viol.
La juridiction doit pouvoir déterminer l’intentionnalité pour aboutir à une sanction pénale. Mais il faut également reconnaître que ces violences sexuelles reflètent une certaine « banalisation de la masculinité » caractérisée précisément par « l’absence d’intentionnalité ». En effet, pour ces agresseurs, l’intention de commettre un viol ou la nécessité de s’assurer du consentement de la victime n’est pas une préoccupation . Ce que le droit désigne indirectement par « viol non intentionnel » sont les plus courants, les plus banalisés et du coup les moins punis car ils ne prennent pas la forme d’une prédation meurtrière ou d’un acte sexuel compulsif de pornographie.
Les violences basées sur le concept paradoxal d’un « accord unilatéral » se manifestent dans une homosocialité misogyne. Le narcissisme des agresseurs lors des interactions personnelles et sexuelles les rend insensibles aux autres et à leurs perspectives. Les moindres indications de leur partenaire, même celles qui expriment une opposition ou une réticence, sont interprétées comme un appui à leur comportement auto-centré et une validation de leur désir, de leur pouvoir d’attraction, de leurs fantasmes érotiques et de leur prédominance. Si jamais leur narcissisme est contesté, ils ont recours à un comportement de brutalité, qu’elle soit émotionnelle ou physique, visant à satisfaire leurs intentions. Ce modèle alarmant est malheureusement visible régulièrement dans nos tribunaux surchargés par les conséquences de la volonté masculine d’imposer leur force sur leurs conjointes. À noter que cet article n’est pas encore complètement lu, 56.23% du contenu reste à découvrir et est exclusivement réservé aux abonnés.
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