Il est difficile de comprendre à quel point l’opinion sur les réfugiés en Allemagne a évolué au cours de la dernière décennie. Ce même pays qui, en septembre, a été à l’origine d’une vague de choc en Europe en durcissant sa position sur l’immigration, se vantait pourtant en 2015 de sa politique d’accueil favorable. Durant l’été 2015, l’Allemagne d’Angela Merkel a ouvert ses portes à des dizaines de milliers de réfugiés d’Irak et de Syrie, appelant l’Europe à une plus grande solidarité. Beaucoup se sont rendus personnellement dans les gares pour accueillir ces migrants à Berlin et Munich, leur offrant des bretzels, du chocolat ou des bonbons.
Sur l’incitation des représentants locaux qui ont suscité l’engagement du pays via les ondes des radios régionales, certains ont volontairement hébergé ces réfugiés chez eux. « L’assistance de la population ne faiblit pas ! C’est incroyable ! » s’extasiait la police de Munich sur Twitter, le 1er septembre 2015. Même le journal populaire Bild, qui voulait exclure la Grèce de l’Europe quelques années plus tôt, a collecté des fonds pour les réfugiés et a salué les Allemands qui leur apportaient leur aide.
Angela Merkel, la chancelière connue pour ses selfies avec des réfugiés qui deviennent viraux, prend position comme la figure morale de l’Europe. Il y a des discussions pour lui attribuer le prix Nobel de la paix. Sa politique accueillante est largement soutenue à la fois dans sa nation, dans les cercles politiques et dans le monde des affaires. Ursula Münch, la directrice de l’Académie d’éducation politique de Tutzing, près de Munich, se souvient que seul un petit nombre de groupes parlementaires à l’époque contredisait Merkel. À ce moment-là, l’extrême droite ne pesait pas politiquement. La seule contradiction venait de la CSU, le parti conservateur en Bavière, un État très impliqué dans l’accueil des réfugiés.
À l’époque, le vice-chancelier social-démocrate, Sigmar Gabriel, portait fièrement un badge sur sa veste qui disait « Bienvenue aux réfugiés ». Il affirmait que les Allemands étaient en mesure d’accueillir un demi-million de réfugiés par an pendant plusieurs années, voire plus. Dieter Zetsche, le directeur général de Daimler, espérait que ces réfugiés pourraient stimuler le prochain boom économique allemand. Les experts économiques ont salué cette idée lors des émissions de télévision, avançant que les réfugiés contribueraient à financer les pensions des baby-boomers. Mais une vague d’agressions à Cologne est survenue.
Le bonheur ne persiste pas. Les responsables municipaux, qui supportent l’accueil principal des immigrants après leur redistribution à travers le pays, signalent rapidement une insuffisance de ressources face à la vague de demandes d’asile. Un seul jour, le 12 septembre 2015, a vu plus de 13 000 réfugiés arriver à la gare de Munich. Même dans les petites villes, les citoyens allemands voient des familles empilées dans les entrepôts, les gymnases et les gares. Angela Merkel déclare cependant : « Wir schaffen das » (« nous allons y arriver »).
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