Le Parlement ukrainien, orné de colonnes néoclassiques décorées dans les teintes emblématiques du pays – le jaune et le bleu, est protégé par un checkpoint. L’entrée à l’assemblée législative, un lieu sensible dans la capitale, Kiev, est très limitée. Le Monde a eu la rare opportunité d’y entrer. Suite à une série de contrôles et de longs couloirs ornés de portes et d’escaliers, on se retrouve à passer sous des fenêtres élevées sécurisées par des sacs de sable. On suit ensuite une rampe en marbre renforcée devant laquelle sont affichées deux peintures dépeignant la Vierge à l’Enfant. De grandes portes sculptées mènent à une salle revêtue de boiseries d’époque, dressées de drapeaux ukrainiens et européens, surmontée d’un dôme en verre impressionnant. C’est au centre de la Rada, le Parlement ukrainien, que les députés se sont rassemblés dès le début de l’invasion en février 2022, malgré la menace d’un assaut.
Aucun d’entre eux n’a échappé à l’agitation des débuts, lorsque les Russes étaient aux portes de leur capitale. « Nous votions précipitamment, les yeux levés vers le ciel, le cœur tenu par la peur, nous attendions qu’un missile frappe le dôme en verre à tout moment », se remémore Oleksandr Merezhko, député de la majorité parlementaire, Serviteur du peuple, et président du comité des affaires étrangères. « Néanmoins, il était indispensable de maintenir ces sessions pour démontrer au monde entier que le Parlement était toujours en activité, que les institutions étaient toujours opérationnelles en dépit de la guerre. »
Rapidement, la Rada s’est transformée en un emblème de résistance et un incarnation de la lutte des Ukrainiens pour défendre leur nation et les principes démocratiques contre Moscou – une ville résolue à discréditer et démolir leur nation, que Vladimir Poutine a toujours perçu comme une création artificielle. Malgré les craintes de la population, les législateurs n’ont pas abandonné en grand nombre. La confiance dans cette institution a alors explosé à plus de 50%, selon de nombreuses études – un phénomène sans précédent.
Comment maintenir cela à long terme ?
Plus de deux ans et demi plus tard, la menace s’est atténuée depuis le départ des forces russes de la région de Kiev en avril 2022, bien que des drones hostiles soient régulièrement capturés près du parlement. Cependant, la guerre persiste, avec son flot d’obstacles, de devoirs et de limitations.
Il n’y a plus aucune élection à venir. La loi martiale a repoussé l’élection présidentielle à une date non définie. Les élections législatives, initialement prévues pour octobre 2023, ont également été annulées. L’absence d’élections n’est plus un sujet de controverse dans le pays, car beaucoup comprennent qu’avec plus de 6 millions de réfugiés, 3,7 millions de déplacés, 20% du territoire occupé par les Russes et des bombardements constants, elles ne seraient ni sûres ni démocratiques. Cependant, le défi est inédit pour l’Ukraine : comment préserver la démocratie malgré la guerre et l’impossibilité de renouveler ses représentants ?
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