Les nouvelles autorités sénégalaises ont resté fidèles à une coutume bien établie : chaque fois qu’un régime change, un plan économique « ambitieux » est proposé. Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko ont révélé un plan pour transformer le Sénégal en un pays souverain, prospère et juste, appelé « Sénégal 2050 », un mois avant les élections législatives anticipées du 17 novembre et six mois après leur élection.
Douze ans plus tôt, l’ancien président Macky Sall avait présenté son plan « Sénégal émergent », qui suivait les traces de l’ancien président Abdoulaye Wade et sa « stratégie de croissance accélérée » lancée après son élection en 2000.
Comme ses prédécesseurs, le nouvel exécutif a fixé des objectifs numériques pour les vingt-cinq prochaines années : tripler le PIB par habitant pour l’élever à 4 500 dollars (approximativement 4 130 euros) et diminuer le taux de pauvreté à 10% de la population. Actuellement, près de quatre sénégalais sur dix vivent avec moins de 1 012 francs CFA (environ 1,5 euro) par jour, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).
Le nouveau gouvernement a tous d’abord posé un jalon pour 2029. Il table sur une croissance de 6,5% pour réduire le déficit budgétaire massif de 10,4% à 3% du PIB, tout en promettant d’imposer ceux qui n’étaient pas imposés jusqu’à présent. Le plan implique également une décentralisation de l’économie.
Le duo de dirigeants, connu pour sa lutte contre la corruption, a initié son mandat en mettant en lumière une gestion désastreuse de la part des autorités précédentes. Après une diatribe sévère contre le régime de l’ancien président, Macky Sall, accusé de corruption massive et de dissimulation de la dégradation drastique des finances publiques, M. Sonko a souligné les diverses formes de mauvaise gestion depuis l’indépendance.
Devant un auditoire de responsables nationaux et de diplomates étrangers au palais des congrès de Diamniadio, en banlieue de Dakar, il a déclaré : « Notre modèle actuel ne génère pas de valeur. Cependant, nous avons l’opportunité d’emprunter une nouvelle voie. »
Le gouvernement nouvellement formé a exposé les principales initiatives de sa stratégie visant à briser le cycle néfaste de sa dépendance et de son sous-développement, selon M. Sonko. Bassirou Diomaye Faye a ajouté que l’économie du pays est piégée par un modèle économique qui exploite des matières premières brutes sans valorisation ou transformation locale.
Pour rompre avec ce modèle, les nouvelles dirigeants suggèrent une décentralisation de l’économie. Ousmane Birame Sane, ancien directeur de la Bourse régionale des affaires mobilières et économiste, précise que : « La Casamance, au Sud, doit devenir le hub agricole. La région de Matam, au nord, doit se spécialiser dans la production d’engrais, car elle regorge de phosphates largement inexploités. »
Il ajoute « Les indicateurs économiques véritables sont dans le rouge ».
D’après les estimations gouvernementales, un plan d’urbanisation de 27 milliards d’euros est prévu pour être financé jusqu’en 2029. Ces chiffres ne parviennent cependant pas à dissiper les interrogations et incertitudes, ni à rassurer les investisseurs nerveux face aux signaux négatifs de l’économie sénégalaise. Suite à une révision à la baisse de tous ses indicateurs pour le Sénégal par le FMI en septembre, l’arrivée au pouvoir de nouvelles autorités a coïncidé avec une augmentation des pressions fiscales et douanières.
Youssef Omaïs, directeur de Patisen, une des rares entreprises phares de l’agroalimentaire sénégalais, critique fortement ce plan, considérant les dirigeants déconnectés des acteurs économiques. Il mène aussi à se demander où se trouve l’attractivité de la marque Sénégalaise dans leur plan, tandis qu’un autre chef d’une compagnie industrielle craint des représailles fiscales. Il presse sur l’urgence de la situation, comme en témoignent les indices économiques dans le rouge et la notation financière du Sénégal dégradée au début d’octobre par Moody’s de Ba3 à B1.
Les nouvelles autorités ont également évité de discuter du rôle des hydrocarbures dans l’économie nationale lundi. Quelle sera leur importance sachant que le Sénégal est devenu producteur de pétrole et compte en exporter 100 000 barils par jour ? Alors que les élections législatives approchent dans un mois, la répartition des revenus des hydrocarbures reste un sujet de désaccord important tant pour les électeurs désireux de voir leur facture d’électricité réduite, que pour les entreprises pétrolières étrangères souhaitant un retour d’investissement rapide et entrées dans une renégociation imprévisible de leurs contrats avec le nouveau gouvernement.
Ahmadou Aly Mbaye, professeur en économie et politiques publiques à l’université Cheikh Anta-Diop de Dakar, critique le fait que l’attention soit monopolisée par la bonne gestion politique sans prendre en compte l’état de la gouvernance économique. Selon lui, le passage promis vers une économie manufacturière n’est pas clair, car nos responsables sont face à un paradoxe sénégalais : l’abondance de la main-d’œuvre sur place, mais avec l’un des coûts les plus élevés au niveau mondial. Il souligne que tous les gouvernements précédents ont dû faire face à cette réalité : la structure économique du Sénégal est basée sur la rente. L’arrivée de l’industrie pétrolière pourrait accentuer ce contrôle des salaires. Et comme pour tous les pays producteurs de pétrole avant lui, le Sénégal pourrait être victime d’un syndrome bien identifié où le secteur du pétrole éclipse tous les autres.
En réponse à ces enjeux croissants autour du pétrole et du pouvoir d’achat, Ousmane Sonko a encouragé les Sénégalais à faire preuve de « patience », comme s’il prévoyait déjà des reproches à l’approche des élections législatives dans un mois.
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