« Laurent Vinatier, un Français de 48 ans et expert en post-soviétisme, n’a pas pu s’appuyer sur la citation du célèbre poète russe Pouchkine pour influencer l’issue de son cas. Jugé au tribunal de district de Zamoskvoretsky à Moscou le lundi 14 octobre, derrière les grilles du dock, la juge l’a regardé fixement alors qu’il plaidait sa cause. Vinatier s’est retrouvé malgré lui au coeur du conflit entre le Kremlin et Paris, ayant été arrêté le 6 juin à Moscou sous l’accusation de ne pas s’être déclaré comme « agent de l’étranger ». Il a reconnu sa faute « absolument et sans réserve ».
Cependant, debout dans sa chemise bleue, avec un regard à la fois dur et engageant, ce père de famille a déclaré sa passion pour la Russie qui remonte à deux décennies. Époux d’une femme russe, Vinatier voyageait constamment entre Moscou et Saint-Pétersbourg pour coordonner la « diplomatie parallèle » pour le Centre Suisse pour le Dialogue Humanitaire (HD), son employeur depuis huit ans. Malgré sa nervosité, il a plaidé à la juge pour un « jugement clément et juste ». Face à la réquisition du procureur, qui demandait une peine de prison de trois ans et trois mois, Vinatier, laissant de côté ses notes de plaidoirie, a cité de mémoire une phrase de Pouchkine qui a surpris la juge : « Si la vie te trompe… Sois résilient un jour de peine. » »
Une heure plus tard, le juge Natalia Tcheprassova est revenue dans la salle d’audience. Elle a rapidement parcouru son jugement de trois pages, dont le verdict était une condamnation de trois ans de prison pour Laurent Vinatier. C’était trois mois de moins que ce qu’avait requis la procureure, mais loin de ce que les avocats de Vinatier espéraient. Ils avaient plaidé pour une simple amende pour ce crime jugé plutôt mineur.
« Agent étranger »
Le chercheur, auteur de trois ouvrages et nombreux articles académiques sur la Russie, a admis ne pas s’être inscrit comme « agent étranger », une étiquette habituellement utilisée contre les russes critiquant le Kremlin. Cependant, la portée de cette étiquette a récemment été étendue à certains étrangers, chose que Laurent Vinatier ignorait. Le FSB (services de sécurité russes) ont prétendu que le Français avait « collecté des renseignements militaires et techniques pouvant être exploités par des agences de renseignement étrangères au détriment de la sécurité russe ». C’est une accusation qui frise celle d’espionnage.
Le cas de Laurent Vinatier, un occidental détenu en Russie, pourrait être résolu par un échange de prisonniers entre Moscou et l’Ouest, selon une source européenne informée. Le plus grand échange de prisonniers depuis la guerre froide a eu lieu le 1er août, où vingt-six citoyens russes et occidentaux ont été échangés. L’Ouest a réussi à négocier la libération de certains Américains dont Evan Gershkovich, correspondant de Wall Street Journal à Moscou, en échange d’un agent condamné pour meurtre en Allemagne et d’un duo d’espions capturés en Slovénie. Par ailleurs, qu’il s’agisse de coïncidence ou non, d’autres occidentaux ont depuis été arrêtés ou condamnés en Russie, y compris Stephen James Hubbard, un Américain de 72 ans condamné à presque sept ans de prison pour avoir agi en tant que mercenaire au profit de l’Ukraine, et Harry Johannes van Wurden, un Néerlandais faisant face à une peine de dix ans pour avoir eu recours à la violence envers un officier de police.
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Dans un message publié sur Twitter, le ministre ukrainien des affaires étrangères, M. Kuleba, a appelé la population à boycotter trois entreprises bien connues.