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Santé Soudan Sud: effondrement imminent

Derrière des clôtures ornées du logo « China Aid », des grues et des pelleteuses travaillent sans relâche. Ils sont au cœur de la deuxième étape du projet d' »expansion et de modernisation » de l’hôpital universitaire de Juba, situé au Soudan du Sud. Ce projet exprime la grande joie du directeur de l’hôpital, le Dr. Maker Isaac. Déjà opérationnels, deux nouveaux bâtiments spécialement conçus pour les urgences et les soins obstétricaux ont été offerts par la Chine. Ils remplacent les anciens bâtiments coloniaux qui ont autrefois servi de caserne aux soldats britanniques.

Cependant, malgré cette modernisation, l’hôpital peine à fournir des soins de qualité. C’est le reflet des 1900 établissements de santé publiques du Soudan du Sud. Comme dans le reste du pays, les professionnels de la santé n’ont pas perçu leur salaire depuis dix mois. Le nouveau projet de transformation du secteur de la santé (Health Sector Transformation Project, HSTP) sera-t-il bénéfique ? Certains bonus de motivation ont été distribués à la fin de septembre. Cependant, seuls 210 des 600 employés de l’institution en ont bénéficié. « Nous avons réparti l’argent », explique le directeur.

Lancé en juillet avec le support de la Banque mondiale et des donateurs internationaux comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et le Canada, le HSTP sera « co-financé » par le gouvernement sud-soudanais qui a promis de contribuer dix millions de dollars sur un total prévu de près de 400 millions d’ici 2027. L’objectif est de fortifier un système de santé actuellement « fragmenté », « sous-financé de manière chronique » et qui souffre d’une « participation minimale du gouvernement ». Le but est de répondre aux besoins urgents des 12 millions de résidents du pays, auxquels s’ajoutent plus de 800 000 réfugiés de guerre du Soudan. L’idée est de « éviter le gaspillage des ressources ».

Alors que le paludisme et d’autres maladies endémiques sévissent, l’insécurité alimentaire affecte 56% de la population selon l’ONU. Le déficit en soins de santé est dévastateur dans ce contexte. En effet, presque 10% des enfants du Sud-Soudan ne survivent pas jusqu’à l’âge de cinq ans, et le taux de décès maternels est le plus élevé du monde à 1 223 pour 100 000 naissances. Par ailleurs, un citoyen du Sud-Soudan a une espérance de vie moyenne de seulement 55 ans.

En 2023, seule une portion minime du budget national, soit 2% ou 77 millions de dollars, a été allouée à la santé. L’accès à des soins de santé gratuits a été laissé aux pays donateurs et aux ONG depuis l’indépendance du pays en 2011. Le HSTP est donc perçu, par les deux parties, comme le moyen d’inciter le gouvernement sud-soudanais à s’engager.

Timo Olkkonen, l’ambassadeur de l’Union européenne au Soudan du Sud, exhorte le gouvernement à s’engager davantage et à assumer ses responsabilités envers sa population. Il prévient : « Les donateurs ne peuvent pas supporter cette charge indéfiniment. » L’UE s’est engagée à financer le HSTP à hauteur de 24,4 millions d’euros sur une période de trois ans.

Auparavant, les ONG se concentraient sur les priorités des donateurs plutôt que celles du gouvernement, souligne le Dr Malek Santo Deng, directeur général du ministère de la santé responsable du HSTP. Il aspire à créer un système centralisé pour minimiser le gaspillage des ressources. Un modèle dirigé par le gouvernement, misant sur la localisation, la durabilité et la résilience. Toutefois, l’apport financier promis par le gouvernement n’a pas encore été réalisé et la Banque mondiale met en exergue un « risque significatif dans la gestion financière » du ministère de la santé.

Des décisions de changement considérable ont été prises. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a été sélectionné pour recevoir la majeure partie des fonds et orchestrer la mise en application du programme avec le ministère de la santé. Joyce Mphaya, responsable de la santé de l’Unicef au Soudan du Sud, soutient la divergence avec l’ancien système où « les infrastructures de santé étaient supervisées par des ONG. Aujourd’hui, ce sont les fonctionnaires qui sont censés gérer les services sur le terrain, avec le soutien des ONG pour améliorer leurs compétences ». Cependant, elle exprime sa « préoccupation » face au manque de resources du programme.

Alors que le système d’avant, lancé en 2012 et terminé fin juin, comptait, d’après nos études, sur 211 millions de dollars chaque année pour appuyer 792 infrastructures de santé, le HSTP n’a plus que 133 millions de dollars annuels pour soutenir 816 infrastructures immédiatement, et jusqu’à 1 158 dans les trois ans à venir, selon les projections.

Par conséquent, des décisions importantes ont été prises concernant des modifications majeures. Cela comprend une diminution du nombre d’employés bénéficiant de primes, l’arrêt inattendu de contrats de professionnels de santé spécialisés (tels que des chirurgiens, anesthésistes, gynécologues…) travaillant dans des zones éloignées, ajouté à divers retards et une diminution des approvisionnements en médicaments vitaux. Ces facteurs ont incité certaines personnes à questionner les raisons d’une « transition hâtive », ayant entrainé « l’effondrement des services » dans de nombreux cas.

« Avoir les fonds nécessaires »

A l’hôpital Mother Teresa de Turalei, la cité principale du comté de Twic dans l’Etat de Warrap situé au nord du pays, le Docteur Bol Malual, directeur par intérim, expose la situation: « Nous sommes l’unique établissement possédant un bloc opératoire dans toute la région. Nous recevons des patients des comtés limitrophes. Depuis le départ de notre chirurgien fin juin, deux femmes ont succombé suite à des complications durant leur grossesse. Nous aurions pu les sauver si nous avions pu les opérer. En tant que médecin, ce type de situation vous est déchirant ». Le transfert de patients vers la ville importante de Wau est presque inconcevable: « L’ambulance est hors service et la route est inutilisable. »

L’hôpital de Bentiu, la capitale de l’Etat d’Unité qui se trouve à l’extrême nord du pays, a été durement touché par le départ de ses cinq spécialistes fin juin. Toutefois, le directeur, Docteur Banen Non, a réussi à ramener deux spécialistes à l’aide des compagnies pétrolières. Un autre a accepté de revenir en acceptant les termes du HSTP, ce qui signifie qu’il ne sera plus employé par une ONG et rémunéré à hauteur de 4000 dollars par mois, mais recevra une prime de 1500 dollars. Le Docteur Non exprime également ses préoccupations face à la pénurie de matériel médical, notamment des compresses, des gants et des antibiotiques.

Le docteur Malek Santo Deng, du ministère de la santé, est conscient de cette problématique et se montre résolu à y remédier. Il espère obtenir les fonds nécessaires pour augmenter les primes des spécialistes et les inciter à reprendre leurs fonctions. Toutefois, cette mission s’annonce difficile car les bailleurs de fonds expriment leur frustration.

L’ambassadeur de l’UE, Timo Olkkonen, souligne que si l’aide humanitaire se retire, des personnes meurent, mais souligne également que cette dépendance n’est pas viable à long terme. En parallèle, avec le nouveau budget à l’étude au Parlement, le Syndicat des médecins sud-soudanais se mobilise pour que 15% soit alloué à la santé.

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