Laurent Freixe, le récent PDG de l’industrie alimentaire Nestlé, fait face à plusieurs défis, notamment une atmosphère économique défavorable, une croissance en déclin et une réputation affaiblie et potentiellement endommagée. Sa politique de « retour aux bases » ne pourra pas relancer la croissance seule. Une réflexion sur le risque éthique, qui est actuellement trop répandu et coûteux pour l’entreprise, doit l’accompagner.
L’éthique est l’application quotidienne des valeurs de l’entreprise et, plus généralement, le respect des valeurs humaines et sociétales. Elle se caractérise par deux aspects : le développement durable – où le risque éthique est proche du risque environnemental – et la gouvernance – qui concerne le respect des engagements de transparence, la prise en compte des parties prenantes et l’ouverture aux besoins de l’environnement global (compétitif, réglementaire, sociétal…) au sein duquel l’organisation opère.
L’accroissement du déficit de la nappe phréatique à Vittel (Vosges) qui doit importer de l’eau potable des régions voisines, reflète le risque éthique dans sa première dimension : cela nuit à l’environnement.
Réponse tardive
La contamination des pizzas Buitoni présente un risque opérationnel mais aussi éthique, cette fois-ci dans sa dimension gouvernance : l’entreprise a été lente à réagir; la direction générale s’est abritée derrière la marque Buitoni; sa communication a d’abord été absente lors des cas graves de contamination et la mort de deux enfants, puis a été minimaliste ; les parties prenantes n’ont pas été prises en compte.
En transgressant les réglementations européennes qui interdisent la désinfection des eaux minérales, Nestlé a admis avoir eu recours à des méthodes de traitement comme l’irradiation ultraviolette et l’utilisation de filtres en charbon actif. L’intégrité des sources d’eau Vittel, Contrex, Hépar et Perrier a même été remise en question par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire et l’Agence Régionale de Santé Occitanie, en constatant la présence de bactéries, de déjections et de pesticides dans l’eau. Ces actes qui constituent une fraude explicitée ont été classés dans la même catégorie que les autres infractions commises par l’entreprise.
Cette société a un historique d’incidents répétés, notamment la contamination des pizzas Buitoni (2022, 2024), l’épuisement de la nappe phréatique (2024), l’utilisation de traitements prohibés (2024) et la pollution de sources d’eau minérale naturelle en France (2024).
Ces dernières infractions ont entraîné des conséquences économiques importantes. Nestlé a dû clôturer deux puits dans les Vosges qui alimentaient Hépar, réduisant sa production de moitié. De même, plusieurs puits dans le Gard, utilisés pour Perrier, ont été fermés ; la production de Perrier a chuté de 1,7 milliard de bouteilles par an à 1,2 milliard suite à l’interdiction de l’utilisation de procédés de filtration illégaux. De plus, la part de marché de Perrier dans les eaux pétillantes a diminué, passant de 45% à 40% en 2023. Afin de se conformer à la loi, l’entreprise a dû investir quelque cinquante millions d’euros et entreprendre dix-huit mois de travaux sur deux de ses sites. Un plan social a également été mis en place sur son site dans les Vosges.
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