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14 octobre 2024 16 h 44 min

Ex-Stasi condamné pour meurtre

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Lundi 14 octobre, un ancien agent de la Stasi, la police politique de la République démocratique allemande (RDA, communiste), a été condamné à dix ans de prison pour le meurtre d’un Polonais qui avait tenté de s’enfuir vers l’Ouest il y a un demi-siècle. Martin Naumann, 80 ans, a été jugé responsable par la cour de Berlin pour la mort de Czeslaw Kukuczka, 38 ans, qui tentait de traverser le poste frontière de Friedrichstrasse, à Berlin, en 1974. Bernd Miczajka, le président du tribunal, a affirmé avec conviction que Naumann était le responsable du meurtre.

Même si Naumann, qui avait 31 ans au moment du crime, n’avait pas agi pour des raisons personnelles, le tribunal a statué qu’il avait « exécuté sans pitié » un plan élaboré par la Stasi, la terrifiante police secrète est-allemande pendant la guerre froide. Le bureau du procureur allemand avait demandé douze ans de prison pour l’ancien lieutenant, aujourd’hui à la retraite.

Naumann, par le biais de ses avocats, a nié les accusations et a demandé son acquittement, arguant que les preuves étaient insuffisantes pour prouver qu’il était le tireur. Naumann n’a jamais pris la parole devant le tribunal.

Daniela Münkel, une responsable des archives de la police secrète à Berlin, a signalé que le verdict fait de Naumann le premier ancien agent de la police secrète de l’ex-Allemagne de l’Est à être reconnu coupable de meurtre.

Ce procès, noté pour sa signification historique, a replongé le pays dans l’époque de la guerre froide depuis son déclenchement en mars, une période où l’Allemagne a été divisée en deux par le rideau de fer avec la République fédérale d’Allemagne (RFA) à l’ouest, et la RDA à l’est. C’est le point culminant de décennies de recherche méticuleuse, parfois mise de côté puis recommencée, également du côté polonais.
Ce n’était réalisable qu’en raison de nouvelles informations dénichées par deux historiens, un Allemand et un Polonais, dans les archives de la Stasi en 2016, reliant M. Naumann au décès du fugitif, et la détection de nouveaux témoins potentiels.
Czeslaw Kukuczka, qui aspirait à une existence dans le « monde libre », fait partie des 140 personnes au moins qui ont perdu la vie entre 1961 et 1989 en essayant de traverser le mur de Berlin. Le 29 mars 1974, il a fait irruption à l’ambassade polonaise de l’ancien Berlin-Est munie d’une bombe factice pour exiger son passage vers l’ouest.
Alertée par la Pologne, la police secrète allemande l’a mis en confiance en lui faisant croire que son départ avait été accepté. Cependant, alors que l’homme croyait s’en être sorti sans problème après avoir passé deux contrôles, l’agent Naumann le tue, un acte qui lui a valu une décoration ultérieure.
« Dernier maillon d’une chaîne de commandement »

Czeslaw Kukuczka, un salarié du secteur de la construction, avait trois enfants. Ces derniers se sont constitués partie civile dans le procès à son égard, mais n’y ont pas assisté. Leur avocat, Hans-Jürgen Förster, considère l’accusé comme une partie essentielle d’une chaîne de commandement et a proposé que l’enquête soit étendue à tous ceux qui ont été récompensés par le régime pour la mort de M. Kukuczka.

Dans les années 1990, 251 individus ont été inculpés pour des crimes commis au nom de la Stasi, comme le révèlent les archives gouvernementales. Sur ce nombre, les deux tiers, y compris beaucoup d’exécutants, tels que les gardes-frontières, ont été acquittés ou n’ont pas été poursuivis, généralement faute de preuves ou de témoignages.

Seuls 87 ont été reconnus coupables, avec pour la plupart de légers châtiments. Même Erich Mielke, qui a dirigé la Stasi de 1957 à 1989, n’a pas pu être jugé pour ses actions du fait de manque de preuves. Cependant, il a été condamné à six ans de prison le 26 octobre 1993 pour le meurtre de deux policiers en 1931 alors qu’il n’était qu’un jeune militant communiste.