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Barbara Cassin : Tous les âges

Barbara Cassin, une philologue, helléniste et philosophe, a été la huitième femme à être élue à l’Académie française, suivant les traces de Marguerite Yourcenar qui y est entrée en 1980. Cassin a supervisé le développement du Vocabulaire européen des philosophies, un dictionnaire de termes philosophiques qui ont été rendus intraduisibles lorsqu’ils sont passés d’une langue à l’autre (Seuil, 2004). Elle est aussi l’auteure d’une autobiographie philosophique : « Le Bonheur, sa dent douce à la mort » (Fayard, 2020). Dans ce livre, elle décrit la beauté et la liberté de ce monde, ainsi que son amour pour ses amours. Elle croit que la mortalité intensifie toutes les sensations et tous les amours. Lorsqu’elle aura 77 ans le 24 octobre, elle considère sa mort avec une perspective païenne – sans croire en une vie après la mort. Pour elle, la mort est une partie naturelle de la beauté du monde, et est intrinsèquement liée à la nature humaine. Elle pense que c’est peut-être ce que les dieux nous envient le plus, car c’est la seule chose qu’ils ne peuvent pas connaitre. Malgré son âge, elle ne se sent pas faible. Au contraire, elle se sent remplie d’énergie, de désirs et de volonté. Elle s’aperçoit qu’elle n’est plus aussi belle qu’avant, mais cela ne la dérange pas, car elle ne se sent pas moins séduisante. Elle admet qu’il faut accepter la perte de certaines formes de beauté, mais quand on est aimé et que d’autres nous trouvent toujours beau, cela ne compte pas.

Est-il des défunts qui vous influencent ?
Non, en aucun cas je ne souhaite que mon trépas soit le reflet de celui d’un autre, tout comme ma vie. Cependant, parmi les récents décès qui m’ont étonné, il y a celui d’Hélène Carrère d’Encausse [1929-2023]. Parce qu’elle a toujours été brave, déterminée et elle-même jusqu’à la fin, semblant même être capable d’acheter dix paires de chaussures chez Carel.
J’ai appris qu’à une certaine occasion, elle a contacté Benoist de Sinety, un prêtre en qui elle avait confiance, pour lui demander de venir, avec les mots: « C’est l’heure, et je suis en paix. » Elle a demandé à ses enfants de venir à ses côtés pour « faire kolkhoze », comme elle le disait, une dernière fois avant de mourir. J’ai trouvé ce passage de sa vie à la fois très touchant et grandiose. Cela lui ressemblait bien. On devrait avoir une mort qui est un reflet de notre vie.
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