Alexeï Navalny, l’opposant russe, était souvent contrarié par la question récurrente : « Pourquoi retourner en Russie? ». Cette question lui a de nouveau été posée par ses éditeurs lors d’une visioconférence fin 2020, lorsqu’il proposait son autobiographie. Navalny, dans son livre « Patriote », publié en France le 22 octobre par Robert Laffont, y répond clairement : pour défendre ses principes. Pour lui, il n’y a pas de débat sur ce point.
Suite à une convalescence de cinq mois en Allemagne, après avoir été victime d’un empoisonnement sur le territoire russe avec du Novitchok, un agent neurotoxique puissant, Navalny est retourné à Moscou le 17 janvier 2021. Immédiatement après son atterrissage, il a été arrêté. Il est décédé trois ans plus tard, le 16 février 2024, dans une colonie pénitentiaire dans l’Arctique, sans jamais avoir été libéré.
Navalny n’avait plus d’autre choix que d’écrire. Interdit de présenter sa candidature aux élections, accablé par d’innombrables procès, poursuivi par une équipe d’agents avec pour mission de le tuer, ses chances de mobiliser la société russe dans un contexte de plus en plus répressif se réduisaient. Ses vidéos percutantes sur la fortune de l’élite au pouvoir, dont la dernière, sur le « Palais de Poutine » au bord de la mer Noire, publiée peu après son retour en Russie, n’étaient plus suffisantes pour lui, qui aspirait à représenter une alternative au chef du Kremlin, en place depuis plus de deux décennies. Ses chapitres sont très introspectifs.
L’histoire d’Alexeï Navalny débute avec une tentative d’empoisonnement le 20 août 2020, lors d’un vol de la ville sibérienne de Tomsk à Moscou, dont il parle avec une ironie mordante et calme. « Mourir ne me faisait pas mal », dit-il. « Si je n’étais pas en train de perdre connaissance, je ne serais jamais allongé sur le sol près des toilettes. » L’histoire choquante interpelle chacun des lecteurs tout au long du récit.
Des chapitres supplémentaires offrent un aperçu plus personnel de sa vie, racontant son enfance passée dans des villes militaires – son père était officier de liaison des forces antiaériennes et sa mère travaillait comme comptable dans le secteur civil et militaire. Il parle aussi de son engagement politique, une cause qu’il défend fermement.
La politique domine également le récit, lui donnant l’occasion d’éclairer les questions qui hantent la Russie d’aujourd’hui : Tchernobyl, qui se trouve à 700 kilomètres de la ville militaire où il a grandi et qui symbolise les mensonges de l’État; l’Afghanistan, qui incarne le gaspillage catastrophique du pouvoir; le rôle de Gorbatchev, dont Navalny fait preuve d’une certaine clémence pour sa résistance à la corruption; et Eltsine, dont la réputation est réévaluée à la baisse pour des raisons opposées.
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