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13 octobre 2024 16 h 49 min

Victimes transforment justice en débat

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Le procès d’Aix en 1978 et le récent procès en cours à Avignon pour les viols de Mazan sont séparés par 46 ans. Au moment où l’Etat giscardien se focalisait sur la « condition féminine », Gisèle Halimi, la célèbre avocate, forçait la société française à se confronter à la réalité du viol sur les femmes et à prendre en compte les récits des victimes, plus précisément deux campeuses attaquées en pleine nuit dans la calanque de Morgiou, près de Marseille. Depuis le début de septembre, les procès de la cour criminelle du Vaucluse ont mis en lumière les témoignages d’hommes ordinaires accusés de viols par soumission chimique orchestrés par un époux sur sa conjointe.

En l’espace de près d’un demi-siècle, tout semble avoir évolué en surface. Il est ardu d’envisager aujourd’hui l’envergure de courage qu’Anne Tonglet et Araceli Castellano, les deux victimes de 1978, choquées après quatre heures d’agression, ont dû déployer pour se rendre directement à la gendarmerie afin de déposer plainte. Il est difficile d’imaginer l’interrogatoire brutal subi par ces femmes de la part d’une juge d’instruction qui les obligeait à signer, malgré la confirmation de la violence et leurs blessures apparentes, des rapports affirmant qu’elles avaient « finalement donné leur consentement ». Il est surprenant d’apprendre que les actes de viol ont, initialement, été reconfigurés en « coups et blessures », tout en sachant qu’une des victimes était tombée enceinte suite à l’agression.

Josyane Savigneau, qui avait couvert le procès pour Le Monde à l’époque, s’est interrogée sur la raison pour laquelle les deux victimes étaient continuellement traitées comme des accusées pendant les deux jours d’audience. Gisèle Halimi, en particulier, a été confrontée à des comportements haineux, ayant été poussée, insultée et même menacée. L’un des agresseurs a tenté de se défendre en disant qu’il ne supportait pas d’avoir été rejeté. Quarante-six ans plus tard, les acquis du procès d’Aix et la loi de 1980, qui a élargi la définition du viol, sont indéniables.

Les années de combats menés par les féministes et la vague #metoo ont permis de mettre en lumière l’ampleur des violences sexuelles ainsi que le besoin d’écouter et de protéger les femmes. Une réalité alarmante a été révélée : la majorité des viols sont perpétrés par des hommes proches de la victime, soulevant des questions sur l’omniprésence des relations de domination et les structures sociales qui les maintiennent. Contrairement à 1978, où elle était injuriée, Gisèle Pelicot est aujourd’hui célébrée comme une héroïne incarnant l’espoir d’un renversement de la honte.
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