Lucie Retail, une mère célibataire de trois enfants, a repris la danse malgré sa condition de polyamputée. Sans ses bras et jambes, elle n’est pas moins complexée. Chaque mois, elle quitte sa maison de Blain, en Loire-Atlantique, assistée de prothèses, et se dirige en voiture à Vertou, une heure de route plus loin, pour une leçon de danse intuitive. Une vidéo disponible sur son compte Instagram révèle une femme dansant élégamment malgré ses membres amputés, sur une mélodie romantique en anglais. Auparavant danseuse, Lucie refuse de laisser son amour pour la danse être entravé par les lois de l’équilibre ou les regards désapprobateurs.
Lucie est tombée malade en 2023 alors qu’elle se trouvait en Afrique, victime d’un moustique porteur du paludisme sévère, qui a provoqué la nécrose de ses extrémités. Lorsque le médecin a dû lui annoncer qu’il faudrait amputer ses mains et ses pieds, son sens de l’humour n’a pas manqué: « ça n’était pas prévu au programme, » a-t-elle repondu.
Après trois mois passés dans le désespoir – marqués par le départ de son partenaire violent et infidèle – Lucie a décidé d’accepter sa condition. Elle, que tant de personnes ont jugée à tort en insinuant préférer la mort dans sa situation, est déterminée à défier l’idée éculée selon laquelle les personnes handicapées sont nécessairement déprimées et démunies. Elle a refusé de passer ses journées à ruminer son sort devant Netflix en se nourrissant de glace, et plutôt opté pour embrasser une vie pleine et énergique. Elle trouve la beauté dans l’horreur.
Malgré la perte de ses capacités à appréhender et à se déplacer, elle a réussi à escalader le mont Taillon (3 144 m) dans les Pyrénées en septembre, grâce à une initiative d’un groupe de personnes amputées. Elle a également participé à un défilé de mode organisé par une marque de prothèses sportives. Son récit touchant a illuminé la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Paris 2024 : « Mon corps a survécu », a-t-elle partagé sur les écrans géants du Stade de France. « Il ne rentre plus dans les normes de féminité, mais il est plus fort et plus beau qu’il ne l’a jamais été. » Invitée à un colloque international de l’Unesco sur l’inclusion des personnes handicapées, elle a pu souligner que la perception des autres est moins problématique que la manière dont les personnes handicapées se voient elles-mêmes.
Son auto-perception est l’opposé de sa vie antérieure. Frappée par la crise de la quarantaine, elle était à l’époque responsable de l’export dans une entreprise nantaise de produits d’hygiène et de désinfection, divorcée du père de ses enfants, et avait rompu à l’amiable son contrat de travail. Sa quadruple amputation a servi de catalyseur : « J’ai réalisé que j’avais passé ma vie à essayer de la contrôler, à courir dans tous les sens, à chercher le succès, à tenter d’être une bonne personne », confie-t-elle.
Il reste 28.65% de cet article à lire. Le reste est disponible pour les abonnés.
Laisser un commentaire