Hassan Guerrar a un œil cinématographique pour la mise en scène. Ceci est évidemment visible lors d’une interview qu’il offre par une matinée pluvieuse en septembre, à Paris. Il commande à distance, semblable à la réalisation d’une séquence continue, le court trajet de la station de métro Barbès-Rochechouart à l’endroit de meeting. Partant du croisement des boulevards Barbès et de la Chapelle, où son film commence, on traverse l’escalier où Malek, son personnage principal (joué par Sofiane Zermani), se lie avec les jeunes du quartier. Ensuite, nous voyons la boucherie où il achète un substitut de chorba en poudre, le bar-tabac d’une autre scène, le restaurant de fast-food algérien où un personnage va dîner avec des brochettes…
Ces quelques pâtés de maisons et ces immeubles constituent son environnement cinématographique. Une géographie personnelle épinglée à son coeur. Là, il est apparu, discutant sur la terrasse avec ses « amis » qu’il a transformés en personnages. Toutes les dix minutes, il interpelle un passant en arabe, puis ajoute en aparté: « Il a eu cinq jours de tournage, lui ! »
Hassan Guerrar, âgé de 57 ans, a récemment achevé son premier film, intitulé Barbès, petite Algérie. Bien qu’il s’agisse d’un autoportrait « fictionnalisé » – il tient à préciser. Son personnage principal, Malek, est un homme dans la trentaine qui a une relation tendue avec sa famille restée au pays. Malgré son succès, la pandémie de Covid-19 le confine à ses souvenirs et à ses racines dans ce quartier nord de Paris, connu comme un point focal de l’immigration du Maghreb. Le film est une chronique personnelle d’un environnement à la fois enthousiaste et brutal, où le français est souvent mélangé avec des mots arabes et inversement, ce qui reflète beaucoup de son créateur – un véritable transfuge, comme on l’appelle aujourd’hui.
Passionné de cinéma, expert de l’oeuvre de réalisateurs français comme Patrice Chéreau et André Téchiné, cette figure du cinéma français qui a travaillé dans l’ombre depuis quarante ans éprouve actuellement la peur d’avoir ainsi exposé son âme, tout en aspirant à être finalement remarqué et apprécié.
Il a travaillé comme attaché de presse sur plusieurs films notables (La Vie d’Adèle, Portrait de la jeune fille en feu, Mammuth, L’Evénement, Divines, Camille redouble, Les Beaux Gosses, Shéhérazade, La Petite Lili, Un héros très discret…). Et pendant de nombreuses années, il a été le gardien des intérêts de certains des plus grands noms du cinéma d’auteur, parmi lesquels Abdellatif Kechiche, Céline Sciamma, Thierry de Peretti et Audrey Diwan lui ont témoigné leur confiance depuis leurs débuts.