Virginia Woolf, de son adolescence jusqu’à son suicide en 1941 à l’âge de 59 ans, enregistrait avec une frénésie ses lectures, ses études et ses réflexions sur divers supports. Ces notes, s’élevant à plus de sept mille pages, ont été numérisées et mises à disposition sur le site woolfnotes.com, qui est maintenu par le renommé King’s College de Londres. Auparavant, pour naviguer dans ce dédale de papiers, les universitaires ne disposaient que d’un index créé en 1983 par la chercheuse américaine Brenda Silver. Cet index était une simple liste accompagnée de résumés des textes, qui étaient parfois à peine lisibles et dispersés à Londres, les archives du Sussex (où se trouve la dernière résidence de l’auteure) et la New York Public Library. « En 2016, j’ai compris que nous avions les moyens technologiques pour lier cet index à l’ensemble des carnets », relate Michèle Barrett, chercheuse britannique à l’origine du projet. Huit ans après, ce volume organisé est désormais accessible gratuitement.
Sur le site, dans la section « Index visuel », on peut trouver une multitude de carnets de diverses dimensions et couvertures diverses. Comme l’explique Michèle Barrett, beaucoup de ces carnets ont des couvertures fabriquées à partir de matériaux de la Hogarth Press (la maison d’édition créée en 1917 par Virginia et Leonard) ou ont été reliés à la main par l’auteur. Certains des carnets les plus intéressants ont même été influencés par l’environnement où ils ont été gardés pendant une longue période. On y trouve des traces d’humidité, des tâches, des couvertures déchirées… Ces signes témoignent des aléas de leur conservation, parfois peu soignée. Michèle Barrett a même découvert un jour chez Leonard Woolf « trois gros tas de fichiers non photocopiés ni catalogués dans une boîte ». Mais à présent, ces précieuses notes sont préservées pour toujours : le King’s College a promis de maintenir le site en ligne indéfiniment. « Parfois, je regrette presque la qualité de nos images », avoue Michèle Barrett. « A l’avenir, les chercheurs auront du mal à justifier la nécessité d’avoir un accès aux originaux. »
Dans son essai, « Une chambre à soi », Virginia Woolf se décrivait comme une Anglaise typique sans éducation qui adorait lire, préférant les livres achetés en vrac. Cependant, en fouillant dans les archives du King’s College, on a découvert que l’écrivaine avait, en réalité, reçu une éducation très solide. Les documents retrouvés démontrent qu’elle y a étudié plusieurs disciplines comme le grec, le latin, l’allemand et l’histoire. Selon Anna Snaith, la chercheuse qui a co-dirigé ce projet de recherche, cette éducation a nettement influencé ses analyses littéraires plus tard, qui sont consignées dans ses journaux intimes. Parmi ces derniers, l’un était entièrement consacré à Robinson Crusoé de Daniel Defoe tandis que d’autres faisaient référence à des penseurs réputés comme Stendhal, Freud ou Montaigne. Un autre journal, nommé « Carnet d’Agamemnon », était un joyau selon Michèle Barrett, car Woolf y avait juxtapposé le texte grec et une traduction qu’elle avait rédigée et annotée. C’était une version unique créée par Woolf elle-même. Toutefois, la suite de l’article n’est disponible que pour les abonnés avec environ 23.27% de l’article restant à lire.
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