Il est régulièrement question dans le débat public de combattre la fraude sociale comme une solution pour réduire le déficit de l’État. Cette approche a été suggérée par le premier ministre, Michel Barnier, lors de son discours politique général. La dernière évaluation du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS) estime la fraude sociale à 13 milliards d’euros par an environ.
La fraude est définie comme une irrégularité ou une omission délibérée préjudiciable aux finances publiques. En ce qui concerne la Sécurité sociale, deux types de fraudes sont distingués : la fraude aux cotisations sociales de la part de l’employeur et la fraude aux prestations sociales de la part du bénéficiaire.
La fraude sociale, par sa nature même, est difficile à quantifier et comprend plusieurs aspects :
– les montants évalués, qui sont des sommes supposées avoir été fraudées ;
– les fraudes décelées qui ont été détectées et ont conduit à un redressement ;
– les fraudes évitées car elles ont été détectées avant le paiement ;
– les montants recouvrés, qui sont les sommes récupérées après constat de fraude.
Constitue-t-elle une stratégie efficace pour renflouer les coffres de l’État contre la fraude sociale ? Que représente-t-elle actuellement ? Qui sont les principaux fraudeurs ? Nous remettons en question six idées reçues. Est-il vrai que « les plus pauvres sont les plus grands fraudeurs » ? Selon le rapport du HCFPS publié en septembre, cela ne correspond pas à la réalité, les ménages ne sont pas les premiers coupables de la fraude sociale.
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS), chargé d’évaluer le mécanisme de financement de la protection sociale et de proposer des suggestions pour son amélioration, met en garde contre la simplification qui consisterait à attribuer la fraude sociale uniquement aux caisses d’allocations familiales. D’après lui, cette perception alimente un discours défavorable envers les pauvres.
Il identifie trois principales sources possibles de fraude : les entreprises et les travailleurs indépendants, qui contribuent au financement du système ; les professionnels de santé, qui orientent les dépenses; et les bénéficiaires d’aides sociales. Selon le HCFPS, la fraude des bénéficiaires d’aides minimales est relativement minime. La fraude liée au revenu de solidarité active (RSA), souvent très médiatisée, ne représente que 1,5 milliard d’euros, soit 2,5 milliards d’euros en y ajoutant la prime d’activité.
Cependant, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) révèle une réalité différente. Avec un taux de non-recours au RSA de 34 %, 3 milliards d’euros ne sont pas distribués aux personnes qui sont pourtant éligibles. Cela représente deux fois le montant de la fraude.
En comparaison, la fraude des entreprises est marginale. Le réseau de l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) reste la principale cible de la fraude sociale. D’après le rapport du HCFPS, environ 6,9 milliards de cotisations seraient évités en raison du travail non déclaré, ce qui constitue la majorité de la fraude.
Les contributions sont des versements basés sur un pourcentage du salaire, donnant au travailleur un droit aux avantages sociaux. Les sociétés et travailleurs indépendants ont la responsabilité de s’assurer que ces versements sont effectués correctement, participant donc au financement du système. Cependant, il est estimé que 56% des fraudes sociales découvertes sont commises par ces entreprises et travailleurs indépendants.
Des facteurs liés à la structure de l’emploi et à la sous-traitance, qui sont propices à la fraude, pourraient expliquer leur implication disproportionnée, d’après le HCFPS. Ce dernier souligne aussi le risque potentiel que représentent les micro-entrepreneurs, susceptibles de déclarer uniquement une portion de leurs revenus.
« Lutter contre la fraude sociale pourrait réduire le déficit »
Dans son rapport, le HCFPS met en évidence l’erreur de considérer la récupération de 2,1 milliards d’euros à partir des fraudes détectées ou rectifiées comme une solution miracle. Cette somme inclut en outre 500 millions d’euros de fraudes déjà prévenues avant que des prestations ne soient versées.
En réalité, seulement 600 millions d’euros ont bel et bien été récupérés par les organismes concernés. De plus, le HCFPS admet que la lutte contre la fraude ne peut être considérée comme la panacée aux problèmes financiers de la protection sociale; les montants rectifiés et surtout récupérés sont bien en dessous des besoins financiers réels de la Sécurité sociale.
Une présentation trompeuse des sommes potentielles serait celle d’une solution qui éliminerait ou réduirait les déficits publics, alors que le recouvrement est habituellement insuffisant. Prenons l’exemple de la lutte contre le travail non déclaré, où seulement 10 % des sommes réajustées sont effectivement récupérées. Ceci est souvent attribué à l’interaction de l’Urssaf avec une entreprise qui risque de disparaître rapidement, organisant son insolvabilité avant que les organismes puissent réclamer les fonds.
Quant à la fraude fiscale et sociale, leur coût exact est difficile à estimer. Cependant, les pertes dues à la fraude fiscale semblent nettement plus significatives. Le montant estimé de l’évasion fiscale se situe entre 60 et 80 milliards d’euros par an, soit plus de cinq fois le montant lié à la fraude sociale. Selon le syndicat Solidaires-Finances Publiques, cela pourrait même atteindre 100 milliards.
En mars, l’ex-premier ministre Gabriel Attal a déclaré que les sommes dues à la suite de fraudes détectées par l’administration fiscale, et qu’elle réclame, ont atteint un montant record de 15,2 milliards d’euros en 2023. De plus, le montant de fraudes sociales détectées a dépassé la barre des 2 milliards d’euros.
« Une grande partie des fraudes sociales est le fait de la fraude à la carte Vitale »
« Nous nous attaquerons fermement à la fraude fiscale et sociale. Cette démarche inclut le renforcement de la sécurisation des cartes Vitale pour prévenir des allocations non justifiées », a déclaré Michel Barnier dans son discours sur la politique générale.
Des suggestions pour renforcer la sécurité de la carte Vitale ont été préalablement formulées. La tâche d’évaluer la réalisation possible d’une carte Vitale biométrique a été attribuée aux inspections générales des finances et des affaires sociales dès 2022. Cependant, l’idée, dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros, a été rejetée pour être parue « coûteuse et inappropriée ».
Gabriel Attal, alors ministre adjoint des finances, avait considéré en 2023 la possibilité d’une combinaison de la carte Vitale et la carte d’identité. Cela aurait abouti à l’instauration d’une nouvelle sorte de cartes d’identité biométriques, comprenant les détails de la carte Vitale, permettant d’affirmer que l’individu est le bénéficiaire légitime des droits sociaux qu’il revendique.
Malgré l’intérêt du nouveau premier ministre pour ce projet, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) avait déjà exprimé ses inquiétudes, car elle ne considère la mesure que légèrement bénéfique pour la lutte contre la fraude. La fraude identitaire ne correspond qu’à une petite fraction en France, avec moins de dix cas par an et seulement quelques millions d’euros.
Concernant l’Assurance-maladie, des fraudes d’une valeur de 1,71 milliard d’euros par an ont été décelées, dont la majorité (1,12 milliard) est directement rattachée aux professionnels de santé, d’après les statistiques du HCFPS.
L’organisme dénonce une succession d’actes frauduleux comme des ordonnances répétitives d’arrêts maladie qui dépassent le repos nécessaire du patient, de fausses prescriptions médicales, de facturations d’ints fictifs ou encore des honoraires facturés à plusieurs reprises. Deux secteurs sont particulièrement visés par l’Assurance-maladie: les centres de santé et les audioprothésistes.
La CNAM a identifié des fraudes totalisant 466 millions d’euros en 2023. Une large portion de ces fraudes, plus précisément 54%, était commise par des assurés, mais le montant total de ces fraudes ne représente que 20% du montant total, alors que les fraudes perpétrées par les professionnels de santé totalisent 70,7% de ce montant. Les abus les plus courants de la part des assurés sont ceux concernant les prestations financières, telles que les allocations journalières ou les pensions d’invalidité. Cependant, à moins qu’il y ait une falsification de l’arrêt de travail (ce qui coûte 7,7 millions d’euros sur un total de 466 millions), ce type de fraude ne peut pas être tenu responsable des assurés car il nécessite une prescription médicale. Thomas Fatôme, directeur de la CNAM, a affirmé lors d’une interview avec Franceinfo au début septembre que 30% des arrêts de travail en 2023 étaient injustifiés.
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