Le choix du comité Nobel de physique cette année a étonné tout le monde. Le mardi 8 octobre, ils ont honoré deux précurseurs des « réseaux de neurones artificiels », l’Américain John Hopfield (91 ans) et le Britannique Geoffrey Hinton (76 ans), mettant en valeur la popularité croissante de l’intelligence artificielle qui est traditionnellement liée à l’informatique.
« C’est une reconnaissance du fait que la physique statistique, un champ de la physique, s’est efforcée de s’étendre à d’autres domaines. C’est une bonne nouvelle », témoigne Rémi Monasson, chercheur CNRS au Laboratoire de physique de l’ENS à Paris. Stéphane Mallat, professeur au Collège de France, loue un prix « inattendu » et observe que en revanche, l’intelligence artificielle est très bénéfique pour les physiciens actuellement, dans des secteurs tels que l’imagerie, la modélisation et les simulations…
Il n’est pas facile de trouver les concepts de la physique derrière les mots écrits par ChatGPT, les images produites par Midjourney, les vidéos générées par Sora ou les mouvements brillants d’AlphaGo. Le fait que l’un des deux lauréats, Geoffrey Hinton, ne soit pas physicien mais informaticien et neuroscientifique, ne facilite pas les choses. Pourtant, cela est le cas.
Transformer un réseau en mémoire…
On parle beaucoup actuellement des systèmes d’intelligence artificielle qui tombent sous la catégorie de l’apprentissage automatique, aussi appelé « machine learning » en anglais. Plus précisément, ces systèmes s’intègrent dans la sous-catégorie qui emploie le modèle mathématique dû aux réseaux de neurones artificiels, une composition numérique de neurones qui peuvent être actifs ou non, et qui sont plus ou moins fortement connectés entre eux. Dans les années 1980, John Hopfield, de l’université Caltech en Californie, et Geofrey Hinton, de l’université Carnegie-Mellon en Pennsylvanie, ont démontré de façon indépendante que cette équivalence mathématique avec le cerveau pouvait faire des choses typiquement liées à notre organe : se rappeler, apprendre, reconnaître des modèles etc. « C’est une manifestation de ce que, dans notre champ d’étude, nous appelons l’émergence : l’ensemble est plus grand que la somme des ses parties », tel était le résumé de Marc Mézard, professeur à l’université Bocconi à Milan. Ces capacités avaient déjà été dévoilées dans le domaine de la physique. Un simple réseau d’aiguilles placées tête haut ou tête bas, alignées sur une échiquier, peut représenter les qualités d’un matériau magnétique. Giorgio Parisi, récompensé par le Prix Nobel en 2021, un expert en physique statistique – la science qui explique les phénomènes macroscopiques basés sur les comportements individuels – avait élaboré cette philosophie pour des matériaux plus sophistiqués.
La suite de cet article est réservée aux abonnés, il vous reste 62.49% à lire.