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Tunisie : l’opposition se réinvente

Le président tunisien, Kaïs Saïed, a remporté sa réélection dès le premier tour avec 90,69% des votes, révèlent les résultats préliminaires officiels déclarés le lundi 7 octobre par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Par comparaison aux scrutins de 2014 et 2019, l’élection présidentielle du dimanche 6 octobre a connu une faible participation de 28,8%.

Le leader d’un petit parti, Ayachi Zammel, actuellement en prison depuis septembre pour falsification de signatures, n’a recueilli que 7,35% des votes. Le troisième aspirant, Zouhair Maghzaoui, chef du Mouvement du peuple, qui a d’abord soutenu Saïed avant de s’opposer à lui au commencement de la campagne, n’a obtenu que 1,97% des voix.

Les résultats d’un sondage de sortie d’urnes, diffusé la veille à 20h par la télévision publique, ont presque confirmé ceux de l’ISIE, accordant à Saïed une victoire avec 89,2% des votes. Taraudés par les critiques, ces résultats non officiels étaient normalement interdits. Rapidement, l’équipe de campagne de Zammel a réagi sur Facebook en rejetant ces résultats et en accusant la télévision nationale de vouloir manipuler l’opinion publique, une position partagée par Maghzaoui plus tard dans la soirée.

Dimanche dernier, des centaines de supporters de Kaïs Saïed se sont réunis dans le cœur de Tunis pour célébrer la victoire annoncée de leur candidat au premier tour. Le frère du président et son chef de campagne, Naoufel Saïed, a exprimé sa satisfaction pour le déroulement des élections affirmant la popularité de Kaïs Saïed.

Après l’annonce formelle des résultats lundi soir, l’équipe de campagne de Ayachi Zammel a exprimé des doutes sur la possibilité de contester le verdict devant les tribunaux. Dans une déclaration, l’équipe a souligné que la décision finale concernant le recours en justice dépendrait principalement de l’intérêt de Ayachi Zammel et du bien plus vaste du pays. M. Zammel a appuyé l’appel du président élu ainsi que de l’opposition nationale de prioriser l’intérêt supérieur de la nation et d’établir une pause politique.

Quant à l’opposition, les opinions sont mitigées. Beaucoup de partis ont boycotté le vote, le considérant comme prédéterminé et contrôlé par le régime en place. Ayachi Zammel a été emprisonné et condamné à douze ans de prison pour falsification de certifications peu de temps avant l’élection présidentielle, le privant de faire campagne. Précédemment, au mois d’août, l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) avait rejeté la majorité des candidatures et refusé de respecter les décisions judiciaires réclamant la réintégration de trois candidats.

Dans une déclaration catégorique rejetant la totalité du processus électoral, le Parti des Travailleurs, conduit par l’adversaire politique de gauche Hamma Hammami, a désigné cette élection comme une « farce ». « Le régime émergé du coup d’Etat [en allusion à l’assaut audacieux de Kais Saïed, qui a pris le pouvoir le 25 juillet 2021] a été giflé par le peuple tunisien. Que l’on croie ou non en la véracité des chiffres préliminaires publiés par l’ISIE, ils sont suffisants pour attester de l’échec flagrant de cette supercherie. L’abstention, qui a dépassé les 70%, indique que la plupart des électeurs ont boycotté cette mascarade pour diverses raisons. », a annoncé le parti dans une déclaration lundi soir.

« L’échec total de l’opposition »

Parmi ceux qui avaient invité à résister à Kaïs Saïed au vote, le moment était venu de s’interroger. « Nous ne sommes qu’une infime minorité (…) C’est la réalité et nous avons malheureusement à la reconnaître », a observé Youssef Chaouachi, fils de Ghazi Chaouachi, adversaire de M. Saïed, qui est en détention depuis février 2023 sous l’accusation de complot contre la sécurité de l’Etat. « Trois années d’opposition au régime n’ont porté aucun fruit. L’échec est total. Soit nous devons repenser nos méthodes de résistance, soit nous devons nous retirer définitivement de la scène publique », a-t-il regretté.

La position de l’opposition lors de l’élection présidentielle a été caractérisée par l’indécision, créant ainsi un schisme pendant la campagne électorale. Ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une stratégie unifiée. Selon Hamza Meddeb du Carnegie Middle East Center, il y a eu beaucoup d’incertitudes au début, et beaucoup d’énergie a été gaspillée dans la lutte contre les restrictions imposées par l’organe électoral. Au final, il était trop tard, aucun mot clef n’a été clairement énoncé et l’élection s’est déroulée en l’absence de campagne.

Kaïs Saïed, élu pour un premier mandat en 2019, s’est imposé comme un dictateur le 25 juillet 2021, après avoir dissout l’assemblée nationale. C’est alors qu’il a renforcé son contrôle sur le système judiciaire et intensifié la répression contre ceux qui s’opposent à lui. Plusieurs dizaines d’entre eux sont actuellement en prison, accusés de comploter contre la sécurité de l’État.

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