Kais Saied, le président en exercice, a été reconduit à la tête du pays avec une majorité imposante de 90,7% lors des récentes élections en Tunisie, malgré les propositions des organisations civiques qui l’accusent d’un penchant autoritaire. Saied, en dépit du scrutin étant clairement en sa faveur dès le départ et d’une abstention record, a réussi à attirer un peu plus de 2,4 millions des 9,7 millions d’électeurs inscrits, selon l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) qui a annoncé les résultats le lundi. Cela s’est traduit par un taux de participation de 28,8%, le plus bas depuis l’instauration de la démocratie en 2011 après le renversement de Ben Ali, l’ancien dictateur, dans ce pays du nord de l’Afrique qui compte 12 millions d’habitants et qui est considéré comme le berceau du Printemps arabe.
L’élection était prédéfinie pour que Saied remporte facilement la victoire, avait prédit l’expert de l’International Crisis Group, Michaël Ayari. Le scrutin a été limité à seulement deux autres candidats – les moins connus – parmi les dix-sept qui étaient initialement en course, après l’élimination des challengers les plus sérieux de Saied.
Ayachi Zammel, un industriel libéral de 47 ans, n’a réussi qu’à recueillir 7,35% des voix, pendant que Zouhair Maghzaoui, un ancien député de la gauche panarabe, n’a obtenu qu’1,97%.
Malgré la nature biaisée du processus, Saied, 66 ans, a réussi à « maintenir sa base électorale », a commenté l’analyste tunisien Hatem Nafti à l’Agence France-Presse (AFP). Toutefois, il a perdu plus de 300 000 voix par rapport à 2019, lorsqu’il est devenu président à l’étonnement général avec 73% des suffrages et une participation de 58% – à ce moment, il était un novice en politique et un enseignant en droit constitutionnel.
Suite à des prévisions diffusées dimanche soir le plaçant largement en tête, plusieurs centaines de partisans ont envahi la rue principale de Tunis en son honneur, marquant l’événement avec des klaxons et des chansons patriotiques. Cependant, les jeunes qui étaient fortement mobilisés il y a cinq ans, ont abandonné les urnes, avec un taux de participation de 6% dans le groupe d’âge de 18 à 35 ans, comme l’indiquent les chiffres présentés dimanche par l’ISIE. En comparaison, la participation était de 65% chez les personnes âgées de 36 à 60 ans. M. Nafti a avancé que « l’élection est entachée de légitimité », notant que « les candidats qui pourraient concurrencer M. Saied ont été systématiquement éliminés ».
La procédure de dépôt des candidatures ressemblait à un parcours semé d’embûches, avec un nombre élevé de soutiens demandés, l’emprisonnement de candidats potentiels bien connus et l’élimination par l’ISIE des rivaux représentant une véritable menace pour M. Saied. Des ONG, tant tunisiennes qu’étrangères, ont dénoncé une autorité électorale « qui a perdu son indépendance » et un processus « biaisé en faveur de M. Saied ».
L’Union européenne a déclaré avoir « pris en compte » les critiques de diverses ONG et opposants « sur l’intégrité du processus électoral » et « diverses mesures jugées nuisibles aux exigences de crédibilité démocratique » du vote.
Ils parlent d’une « dérive autoritaire ».
M. Zammel, incarcéré depuis le début de septembre, n’a pas été en mesure de mener campagne. Il a déjà été jugé coupable à trois reprises et a reçu une peine de prison de plus de quatorze ans pour des accusations présumées de falsification de soutiens. M. Maghzaoui, qui adhère à la doctrine souverainiste de M. Saied, a subi des conséquences en raison de son appui au coup d’Etat du président en juillet 2021. À cette époque, le président avait pris le contrôle total, prétendument pour rétablir l’ordre.
Le public, fatigué des disputes parlementaires et des problèmes économiques, avait largement acclamé cette initiative. M. Saied avait alors incriminé les « politiciens pourris » financés par « des forces étrangères », qui avaient dominé une décennie de démocratie, visant principalement le mouvement islamo-conservateur Ennahdha.
Cependant, au lieu de booster la croissance pour combattre un chômage chronique qui nourrit l’émigration vers l’Europe, le président a choisi de consacrer ses efforts, selon l’opposition et les ONG, à la suppression de la société civile, ce qui est perçu comme une « dérive autoritaire ».
Depuis le printemps 2023, plus de vingt opposants politiques, y compris le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, et Abir Moussi, qui regrette l’époque Ben Ali, ont été incarcérés. Ces derniers mois, des syndicalistes, des avocats, des commentateurs politiques et des défenseurs des droits des migrants ont également été emprisonnés.
Hatem Nafti craint une nouvelle vague de sévérité à la suite de « la consécration de M. Saied », qui a réitéré ses slogans préférés dimanche, annonçant de manière martiale, son intention de « continuer la Révolution de 2011 » afin de construire « un pays purgé de toute corruption et conspiration ».
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