Le blindé de la police nationale haïtienne (PNH) chargé de patrouiller dans le centre-ville de Port-au-Prince est marqué par une dizaine d’impacts de balle qui ressemblent à une toile d’araignée sur le pare-brise et les vitres latérales. Quatre policiers vêtus de treillis et de cagoules, enterrés dans des stores métalliques lourds, attentivement observent les rues dans la capitale haïtienne. Un d’entre eux oriente sa mitrailleuse vers l’extérieur par une trappe légèrement ouverte.
Le centre historique, jonché de débris et entouré de bâtiments effondrés, paraît abandonné après une apocalypse. Les avenues rectilignes sont désertes, barrées par d’énormes blocs de béton et des carcasses de voitures brûlées. « Nous n’empruntons pas cette gauche : c’est une route bloquée et dangereuse », déclare le jeune agent adjoint en charge de la patrouille, demandant l’anonymat strict, tout comme ses collègues. 80% de Port-au-Prince, dont cette zone autrefois vitale, est contrôlé par des bandes armées qui sèment le chaos depuis plusieurs années, en pleine crise politique grave en Haïti.
Près des restes du prestigieux lycée Alexandre-Pétion, la rue Pavée traverse le quartier du gang Krache Dife. Les criminels « se cachent dans chaque maison », prévient le policier au volant, affable. « Ceux-ci fuient », dit-il en pointant vers une moto qui rugit à l’autre bout de la rue. Cependant, leur véhicule de patrouille continue d’avancer : « Dès que nous ouvrons la porte du blindé, les coups de feu commencent ». Le centre-ville est dévasté.
Certaines des rares figures émergeant d’un bâtiment marqué par des impacts de balles ne représentent pas nécessairement une menace: il existe encore des résidents qui réussissent à survivre dans ce centre-ville dévasté. Un individu en lambeaux traîne une brouette pleine de sacs volumineux. Une dame, avec un bonnet rouge sur la tête, balaye un carrefour. Sa tentative semble futile au milieu des tas d’ordures. « Ces personnes ont finalement accepté de cohabiter avec les gangs », commente mélancoliquement le chauffeur de notre véhicule blindé. Il ralentit pour franchir un énorme tranchée qui traverse la route. Le transport risque de basculer dans cette tranchée inondée d’eau sale et débordant de déchets, mais les soldats en uniforme militaire, qui sont habitués à de telles situations, restent impassibles.
La PNH est en première ligne de cette situation sécuritaire qui continue de se détériorer. Selon le haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, qui a annoncé cette information le 26 septembre, 3 661 personnes ont été tuées dans le pays depuis le début de l’année. À cause de cette vague de violence, plus de 700 000 personnes ont été contraintes de quitter leur maison pour chercher refuge ailleurs dans le pays, d’après les dernières données de l’Organisation internationale pour les migrations.
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