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Afro-Américaines libres révélées

« Vies rebelles : Histoires intimes de filles noires en révolte, de radicales queer et de femmes dangereuses », oeuvre de Saidiya Hartman traduite de l’anglais (Etats-Unis) par Souad Degachi et Maxime Shelledy et préfacée par Audrey Célestine, est un travail minutieux et précis. Saidiya Hartman, une chercheuse américaine, y éclaire le parcours d’Afro-Américaines qui se sont échappées des oppressions du Sud ségrégationniste à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, dans l’espoir de gagner leur liberté et leur dignité dans le Nord. Ce travail fouille les manques de l’archive afin de donner forme aux destinées des ces femmes. Dans cette société américaine imprégnée de racisme, tout a été mis en œuvre pour effacer ces femmes, parfois jusque dans le fait d’omettre d’enregistrer leurs noms, ou en les punissant de diverses façons, comme la mise en détention pour avoir eu des enfants hors mariage, en transgressant les normes en matière de relations intimes, ou en ayant une vie nocturne.

Une enseignante de l’Université Columbia à New York a analysé des milliers de pages de rapports d’enquête qui dépeignaient toutes les femmes noires comme un problème. Selon ces rapports, elles étaient problématiques parce qu’elles défiaient l’autorité et menaient leur vie à leur manière. Mais selon Saidiya Hartman, la vraie raison était tout simplement le fait d’être noire. Hartman a étudié une trentaine de ces femmes, ainsi que quelques hommes de leur entourage, quelques femmes blanches engagées socialement, et le sociologue afro-américain W. E. B. Du Bois, auteur de L’âme du peuple noir.

Au-delà des cas individuels, Hartman a dressé la biographie d’une génération entière, la deuxième ou troisième après l’abolition de l’esclavage en 1865. Le tableau qu’elle dresse est celui d’une société en pleine construction, où la liberté n’en était encore qu’à un stade expérimental. Pour Hartman, le ghetto apparaît comme une extension de la plantation au sein de la ville. Dans ce contexte, ne pas suivre les règles de la petite bourgeoisie blanche n’était pas une dépravation, mais plutôt un signe de visionnaire, une manifestation d’un radicalisme noir qui refusait l’existence subalterne et malheureuse qui leur était imposée. Au final, être derrière les barreaux n’était que l’accomplissement inévitable de cela.

En 1884, Ida Wells a défié la norme en refusant de quitter son siège dans la section « femmes » d’un train pour se rendre dans un wagon « ségrégué ». Elle a ensuite intenté un procès contre la compagnie de chemin de fer. Puis il y a Esther Brown, qui détestait ses conditions de travail et aspirait à la beauté. Elle a décidé de vivre sa vie à sa manière, indépendamment d’un mari, d’un père ou d’un patron. Comme l’a écrit Saidiya Hartman, une femme qui changeait constamment de travail et de partenaire était perçue comme immorale et pouvait potentiellement menacer l’ordre social. C’est ce qu’a essentiellement affirmé l’officier de police qui a arrêté Esther et ses amis. Accusée de vagabondage en 1917 en l’absence de preuve d’emploi, Esther a été incarcérée pendant deux ans et un mois. Le texte complet est accessible pour les abonnés avec plus de 40% restant à lire.

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