L’histoire de « Bruno et Jean », écrit par Pauline Valade et publié par Actes Sud, décrit l’ultime condamnation de deux hommes accusés d’homosexualité en France avant l’abolition du crime de sodomie en 1791. Le livre, qui cout 22,50 € pour la version papier et 17 € pour le numérique, compte 344 pages.
Bruno Lenoir, un cordonnier de 20 ans, et Jean Diot, un serviteur d’environ 40 ans, ont été exécutés le 6 juillet 1750 sur la place de Grève à Paris, aujourd’hui connue comme la place de l’Hôtel-de-Ville. Ils avaient été arrêtés six mois auparavant dans la rue Montorgueil, manifestement en état d’ébriété et dans une position jugée indécente et répréhensible selon le rapport de police.
Ce tragique événement a captivé l’attention de Pauline Valade, une spécialiste du XVIIIe siècle. Elle a découvert ce récit pour la première fois en 2016 lorsqu’elle a lu une œuvre de l’écrivain Edmond Jean François Barbier (1689-1771). L’information entourant l’exécution était vague et a suscité sa curiosité. L’une des particularités qui l’a frappée fut la discrétion autour de la nature du crime, nom qui n’a pas été divulgué publiquement lors du verdict pour éviter de faire honte. Cette énigme a attiré l’attention de Valade, lui donnant l’envie de la résoudre.
Il y a un an, lors d’une promenade à Paris, Pauline Valade a retrouvé par hasard la trace de Bruno Lenoir et Jean Diot. C’était à l’intersection des rues Montorgueil et Bachaumont qu’une plaque avait été érigée en 2014 en hommage à ces deux hommes, où ils avaient été arrêtés. Cette découverte a piqué sa curiosité, mais elle était incertaine de la façon d’aborder le sujet. Elle a décidé de commencer par explorer les archives. « Je me suis dit, il y a une histoire qui devrait être écrite ici », se souvient-elle. « J’ai pris mon temps. Je ne voulais pas lire des études d’historiens. Je voulais aborder le sujet sans préjugés et partir à la rencontre de ces gens ordinaires qui n’avaient laissé presque aucune trace de leur existence. »
Aux Archives de Paris, elle a trouvé des documents relatifs à l’affaire – les procès-verbaux, les comptes rendus des interrogatoires, les archives parlementaires. Cependant, ces documents n’expliquaient pas la sentence de mort. A l’époque, la justice faisait preuve d’une certaine clémence envers les homosexuels. Ils étaient généralement libérés après une « mercuriale », une sorte de sermon moral.
Lorsqu’elle a consulté le travail d’autres historiens, elle a constaté qu’il y avait très peu de recherches sur cette tragédie, à part un livre de Maurice Lever (Les Bûchers de Sodome, Fayard, 1985), qui contextualise cet incident dans l’histoire des persécutions homosexuelles. « Je me suis rendu compte qu’il y avait un grand vide. Seule la fiction pourrait combler un tel manque », a-t-elle conclu.
La suite de cet article est réservée aux abonnés, avec encore 63.94% du contenu à découvrir.