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5 octobre 2024 22 h 49 min

La Tunisie face à une dérive autoritaire sans fin

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En Tunisie, l’instabilité autoritaire semble infinie, un effondrement alarmant qui écrase les progrès réalisés depuis la transition démocratique de 2011. Le prochain scrutin présidentiel, prévu pour le dimanche 6 octobre, symbolise un autre pas en avant dans la poursuite de la présidence par Kaïs Saïed pour renforcer son autorité absolue sans tenir compte des convenances.

Malgré sa formation en droit, cet ancien professeur de droit constitutionnel interprète la constitution et les lois selon ses désirs, démantelant tout cadre juridique qui limite son ambition de contrôle total. Ceci est démontré par les récentes modifications opportunistes apportées à la loi électorale dans le but d’affaiblir la justice administrative, un bastion fragile de résistance, en lui retirant ses pouvoirs pour traiter les litiges électoraux.

Était-il nécessaire pour Kaïs Saïed de sentir une menace pour recourir à cette nouvelle démonstration de force juridique? Craignait-il un retournement potentiel d’événements électoraux, malgré sa popularité résiliente basée sa rhétorique anti-élite et souverainiste, pour exclure ses adversaires les plus puissants sous de faux prétextes? Le résultat est que les élections du 6 octobre ressemblent à une farce, avec Saïed n’étant opposé qu’à deux candidats, dont l’un a récemment été condamné à douze ans de prison pour « falsification de parrainages ».

Le spectacle désolant présenté par la Tunisie de Kaïs Saïed est celui d’une scène politique réduite à un champ de dévastation. D’après les chiffres de Human Rights Watch, près de 170 activistes de l’opposition ou citoyens expressément critiques sont incarcérés, les médias sont réduits au silence et les associations sont entravées. Imbu d’une théorie du complot extravagante, M. Saïed justifie cet élan répressif par la chasse aux complots prétendus tissés à l’étranger. Aujourd’hui, un segment de la classe politique et de la société civile, initialement attirés par sa proposition inhabituelle conjuguant intégrité morale, compassion sociale et opposition à l’islam politique, mesure l’étendue de leur méprise.

Le sauveur tant espéré s’est transformé en autocrate. Ses anciennes positions défavorables à la démocratie représentative et aux corps intermédiaires n’avaient pas été prises très au sérieux. Séduite par son rejet des erreurs commises après la transition post-2011 – corruption, insécurité et déclin socio-économique –, une majorité de la société tunisienne a cédé à ce sauveur devenu dictateur. Peu importe la durée de son règne, M. Saïed a déjà laissé des traces indélébiles sur la figure politique tunisienne, figure qui avait initialement porté l’espoir des « printemps arabes ».

Alors que les Tunisiens connaissent des difficultés, la passivité de la France et de l’Europe face aux audacieuses initiatives de M. Saïed ne fait qu’ajouter à leurs malheurs. Les murmures gênés des diplomates européens ne parviennent pas à contrer la réalpolitique dirigée depuis Bruxelles. Cette dernière trouve son intérêt dans la participation de M. Saïed à la limitation des mouvements migratoires vers l’Italie. De plus, la Présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, l’a élevé au rang de symbole de l’externalisation des contrôles frontaliers de l’Union européenne. Il y a aussi la peur que toute attaque contre M. Saïed l’incite à renforcer ses liens déjà ébauchés avec la Russie, la Chine et l’Iran. Dans ce contexte silencieux de la part de l’Europe, les démocrates tunisiens ne peuvent compter que sur eux-mêmes.