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5 octobre 2024 5 h 44 min

Inquiétude des juifs du pape

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Alors que Roch Hachana, qui marque la fin de l’année hébraïque et le début d’un nouveau cycle, s’approche, la communauté juive d’Avignon se prépare pour une célébration qui promet d’être loin d’être joyeuse et enthousiaste. La fête de cette année se déroulera seulement quelques jours avant le premier anniversaire des attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël. Des grenades, qui sont des symboles de richesse traditionnellement servis lors du Nouvel An hébraïque, devraient être envoyées depuis Jérusalem. Cependant, un producteur généreux de Nîmes (Gard) a récemment offert à Xavier S., un membre dévoué de la synagogue d’Avignon, un panier de fruits locaux. Cet acte de générosité est d’autant plus important à un moment où la communauté juive du Vaucluse traverse une période de stress, à la suite de l’incendie criminel qui a touché la synagogue Beth-Yaacov de La Grande-Motte, située dans le département voisin de l’Hérault, le 24 août.

« Nous sommes démotivés et l’anxiété a conduit certains de nos membres à éviter nos lieux de culte pour les prochaines fêtes. Un environnement désagréable persiste depuis le 7 octobre, les juifs se sentent négligés, certains envisagent même de quitter la France », raconte Xavier S., qui craint pour sa sécurité s’il révèle son nom complet. « La préfecture est dans l’obligation de sécuriser la synagogue pendant les offices et le rabbin est sous protection policière depuis son agression en novembre 2023 », ajoute l’homme d’une quarantaine d’années, assis dans la synagogue d’Avignon.

Entre 1274 et 1791, les juifs connus sous le nom de « juifs du pape » étaient abrités par les prélat d’Avignon tout en étant restreints à des quartiers spécifiques. C’est l’une des plus anciennes communautés juives de France. Paul Salmona, un historien et le directeur du Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris, explique que dans l’ancien état pontifical d’Avignon et la Comtat Venaissin, ces juifs ont évité les pressions de conversion et d’expulsion que les Capétiens et les Valois ont forcé sur les juifs ailleurs dans le royaume. L’évocation de la protection qu’ils ont reçue, et de leur longue histoire partagée avec la France qui a culminé avec leur émancipation en 1791 leur attribuant les mêmes droits que les autres citoyens, aide à clarifier un aspect mal compris de notre histoire nationale. Salmona suggère que cela pourrait aider à contrer le discours antisémite actuel. Le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, souligne l’ancienneté de ce judaïsme typiquement français qui grâce à la protection des papes a favorisé des échanges productifs avec d’autres communautés locales.

Les jours d’harmonie semblent être du passé et à Avignon, la communauté juive se voit contrainte à l’isolement. « Pour nous, les juifs, le vieil adage ‘Pour vivre heureux, vivons cachés’ n’a jamais été aussi pertinent que maintenant », explique Claude Nahoum, défenseur de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme du Vaucluse, ancien dirigeant de la communauté juive d’Avignon et conseiller municipal. « Nous avons le sentiment d’être devenus des parias. Le dilemme des dernières élections législatives a été atroce : pour beaucoup d’entre nous, il était insurmontable de choisir entre le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, avec La France insoumise comme leader. Cela rend l’avenir des Juifs en France très incertain », déclare-t-il.
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