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Comment Moscou et Kiev se servent-ils des drones ?
L’affrontement des drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint un niveau sans précédent au cours des derniers mois. Selon un bilan diffusé en mai 2023 par un institut de réflexion britannique dédié aux questions de défense, les Ukrainiens perdaient environ 10 000 drones chaque mois sur le terrain de combat, soit plus de 300 par jour. Pour mettre cela en perspective, l’armée française n’a un peu plus de 3 000 avions non pilotés dans ses dépôts.
Les ukrainiens et russes utilisent principalement des petits UAV (véhicule aérien sans pilote, en anglais) d’origine civile, à prix réduit et disponibles en grand nombre. Ils sont utilisés pour observer le terrain de combat et pour orienter les troupes ou les tir d’artillerie; certains sont également adaptés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien qu’en nombre inférieur, jouent un rôle crucial. Ces UAV, munis d’une charge explosive, sont déployés au-dessus de la ligne de front sans mission prédéfinie. Moscou fait usage de drones russes Lancet-3 et des Shahed-136, fabriqués en Iran. N’ayant pas une marine de guerre suffisamment forte, l’Ukraine provoque son ennemi en déployant des véhicules maritimes sans pilote – des kayaks de petite taille télécommandés avec des explosifs (450 kilos de TNT).

Tant les Ukrainiens que les Russes ont pris conscience de l’importance cruciale des drones dans leurs opérations et ont donc organisé leur logistique pour soutenir leurs troupes à long terme, non seulement en achetant massivement des drones civils sur le marché, mais également en établissant des capacités de production locales. Bien que l’industrie nationale ukrainienne ait été naissante au début de la guerre du Donbass initiée une décennie auparavant, cette dernière s’est développée depuis. En fin août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a révélé que la copie d’un drone russe Lancet avait été fabriquée et serait bientôt dévoilée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.

Malgré les sanctions occidentales qui entravent l’approvisionnement en composants électroniques, la Russie parvient toujours à se démerder. Toutefois, selon les services de renseignements américains, Moscou aurait commencé à bâtir une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour y fabriquer des drones-kamikazes de conception iranienne, comme les Shahed-136.

Quant à l’état des stocks de missiles russes, il est extrêmement difficile, voire impossible, d’en connaître l’état actuel. Les services de renseignement ukrainiens font régulièrement des déclarations à ce sujet, mais leurs évaluations restent douteuses.

Andri Ioussov, un représentant de la Direction générale du renseignement au ministère de la Défense, a divulgué dans une interview à Liga.net que l’armée russe détenait auparavant 2 300 missiles balistiques et de croisière. Cependant, ce nombre a connu une diminution, le laissant à plus de 900 au début de cette année. De plus, il a ajouté à ce chiffre des dizaines de milliers de missiles S-300 anti-aériens qui ont une portée approximative de 120 kilomètres. De plus, il y a un grand stock de S-400, un modèle plus moderne avec une portée triplée. Vadym Skibitsky, le numéro deux de la GUR, avait indiqué en août le nombre de 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.

En ce qui concerne la production, les experts estiment qu’elle a atteint environ une centaine de missiles balistiques et de croisière mensuellement. En octobre dernier, la GUR avait estimé cette production à 115 unités.

La Russie a également acquis des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord et continue de le faire. Selon l’agence de presse Reuters, qui a recueilli des informations provenant de multiples sources iraniennes, 400 missiles Fateh-110 iraniens (avec une portée de 300 à 700 kilomètres) ont été livrés à la Russie depuis janvier, date à laquelle les parties auraient conclu un accord. Le nombre exact de missiles provenant de la Corée du Nord est inconnu, cependant, 24 de ces missiles ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, comme l’a révélé le procureur général, Andriy Kostin. Les experts qui ont examiné les débris et les trajectoires pensent qu’il s’agit de KN-23 et KN-24 avec une portée d’environ 400 kilomètres.

Pour ce qui est des avions de chasse F-16, aucune information supplémentaire n’a été partagée.

Dans le courant du mois d’août, l’Ukraine a reçu une première livraison de chasseurs F-16, des appareils militaires de conception américaine dont Kiev a exprimé la nécessité dès le début du conflit. Oleksandr Syrsky, le commandant des forces armées, a indiqué qu’une utilisation efficace de ces avions modernes contribuerait à sauvegarder la vie des militaires ukrainiens. Le président du Parlement, Ruslan Stefanchuk, a exprimé sa satisfaction quand à l’arrivée de cet « avion de combat tant attendu, capable de renforcer considérablement notre puissance ».

Toutefois, le 30 août, le haut commandement militaire ukrainien a déclaré qu’un de ces avions s’était écrasé, entraînant la mort de son pilote, tout en repoussant une attaque massive de missiles russes sur tout l’Ukraine quelques jours plus tôt. Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Kiev insistait pour recevoir des F-16 américains. En août 2023, le président américain Joe Biden, a approuvé l’envoi de ces avions américains en Ukraine, sans toutefois fournir d’appareil directement de son pays.

D’ici 2028, Kiev est censée recevoir 95 avions de la part de ses alliés – trente de Belgique, vingt-quatre des Pays-Bas, vingt-deux de Norvège et dix-neuf du Danemark. En mai dernier, la Suède s’est également engagée à fournir un avion Awacs, essentiel pour le renseignement et la coordination des futures opérations avec les F-16.

Pour ce qui est des pilotes ukrainiens, ils doivent recevoir une formation spécifique pour ces avions de combat américains. Onze pays alliés se sont engagés à former ces pilotes. Enfin, quels sont les moyens militaires que les alliés de l’Ukraine fournissent à Kiev ?

Deux ans après l’escalade des conflits, l’Occident semble réduire son aide à Kiev. D’août 2023 à janvier 2024, les commitments d’aide ont diminué selon le dernier rapport publié en février 2024 par l’Institut Kiel. Cette réduction de soutient pourrait se poursuivre avec le Sénat américain ayant du mal à approuver des aides supplémentaires et l’UE qui, malgré des difficultés, a réussi à faire adopter une aide de 50 milliards d’euros le 1er février 2024, malgré l’opposition hongroise. Ces deux packages d’aide ne sont pas encore considérés dans l’analyse récente de l’Institut Kiel qui conclut en janvier 2024.

Le rapport de l’Institut Kiel illustre que le groupe de donateurs se rétrécit et se recentre sur une poignée de pays dont les États-Unis, l’Allemagne et quelques pays du Nord et de l’Est de l’Europe. À partir de février 2022, ces pays ont apporté un soutien à Kiev à hauteur d’au moins 276 milliards d’euros dans les domaines militaire, financier et humanitaire.

Les pays les plus prospères ont été les plus généreux. Les États-Unis sont les donneurs les plus actifs, ayant annoncé plus de 75 milliards d’euros d’aide, dont 46,3 milliards en soutien militaire. Les pays de l’UE ont promis à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides issues des fonds de l’UE (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

Lorsque les contributions sont considérées en fonction du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, les positions diffèrent. Les États-Unis chutent à la vingtième place avec seulement 0,32% de leur PIB, bien derrière certains pays limitrophes de l’Ukraine et d’anciennes républiques soviétiques alliées. Par rapport au PIB, c’est l’Estonie qui se hisse en première position avec 3,55%, suivie de près par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent les cinq meilleurs donateurs. Les trois États baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son alliée, la Biélorussie, sont depuis le début du conflit parmi les donateurs les plus généreux.
Dans ce classement basé sur le PIB, la France arrive en vingt-septième position, ayant consacré 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’aide offerte par la France a constamment diminué depuis le commencement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors que la France se classait vingt-quatrième en avril 2023 et treizième à l’été 2022.
Quelle est la situation des tensions à la frontière ukraino-polonaise ?

Il existe une tension croissante entre la Pologne et l’Ukraine depuis plusieurs mois, avec le commerce des céréales ukrainiennes au cœur du problème. Au cours du printemps 2022, l’Europe avait mis en place ce qu’elle a appelé des « voies de solidarité », qui permettaient l’exportation sans taxe de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient.

Cependant, la Fondation Farm – un groupe de réflexion sur les enjeux agricoles mondiaux – a révélé que près de la moitié des céréales ukrainiennes atterrissent ou traversent l’Union européenne. Ces céréales ont tendance à être beaucoup moins chères que le blé produit au sein de l’UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale.

La Pologne, avec d’autres pays européens comme la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont donc pris la décision de bloquer leurs importations en avril 2023, déstabilisant leur marché local et les revenus de leurs agriculteurs. Cet embargo a été accepté par Bruxelles à condition qu’il n’entrave pas le commerce avec d’autres pays et qu’il ne dure que quatre mois.

Malgré cela, Varsovie a refusé de lever l’embargo à la fin de l’été, invoquant que le problème sous-jacent n’avait pas été résolu. Bruxelles a cependant contesté cette décision, suggérant qu’il n’y avait plus de menace de distorsion du marché céréalier national.

Les fermiers en Pologne maintiennent un barricade à la frontière polono-ukrainienne, interdisant l’entrée des véhicules ukrainiens sur leur sol national. Ceux-ci exigent un gel total sur les marchandises agricoles et alimentaires venant de l’Ukraine. Ils soulignent la montée exponentielle de leurs frais de production pendant que leurs greniers et entrepôts sont surchargés et que les tarifs sont au plus bas. Le dirigeant ukrainien, au commencement de 2024, considérait que le siège de la frontière polonaise est un témoignage de « la dégradation de la solidarité » de son nation, et a demandé des négociations avec la Pologne. « Seule Moscou se réjouit » de ces hostilités, a-t-il également insisté, critiquant « l’émergence de slogans distinctement pro-Poutine ».

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